Chroniques

La coalition mondiale anti-Hamas réclamée par Macron était une mauvaise idée

Le président français suggère de réaffecter les efforts internationaux de lutte contre l’EI, qui étaient faibles, pour aider Israël dans sa guerre contre le Hamas. Analyse.

Cet article a été initialement publié sur RT en langue anglaise par Rachel Marsden, chroniqueuse et animatrice de talk-shows indépendants. 

La semaine dernière, debout à côté du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou lors d’une visite à Jérusalem, le président français Emmanuel Macron a suggéré que la coalition mondiale de 86 pays contre «l’État islamique» (l’EI, anciennement l’EIIL) soit remaniée pour se concentrer sur le Hamas.

«Le Hamas est un groupe terroriste dont le but est la destruction de l’État d’Israël. Cela s’applique à Daech, à Al-Qaïda, à tous ceux qui leur sont liés soit par des actions, soit par des intentions», a déclaré Macron, indiquant une mémoire courte et sélective.

L’objectif déclaré de l’EI n’était pas l’éradication d’Israël, mais l’établissement d’un califat en Syrie et en Irak, et son élargissement ultérieur dans les pays arabes.

L’EI était avant tout une menace pour la stabilité de la Syrie, le même pays que les États-Unis et leurs alliés occidentaux ont activement empêché de lutter contre le terrorisme en tentant vainement d’en renverser le président Bachar al-Assad, en entraînant et en équipant des «rebelles syriens» djihadistes soutenus par le Pentagone et la CIA. Quant à Al-Qaïda, des enquêtes indiquent qu’Israël a même, à un moment donné, aidé à soigner ses combattants djihadistes blessés en Syrie dans les combats contre leur ennemi commun, le Hezbollah soutenu par l’Iran, entravant ainsi dans les faits la lutte contre l’EI puisque tant la Syrie que le Hezbollah travaillaient à la détruire.

Une coalition occidentale, sans la Russie

La coalition mondiale pour lutter contre Daech (l’autre nom pour l’EI) créée en 2014 n’incluait clairement pas la Russie, dont l’invitation par Damas à l’aider à éliminer la menace terroriste est en grande partie ce qui a permis la stabilisation de la Syrie et du fait que l’on parle désormais rarement de l’EI. La participation de la Russie dans la neutralisation du groupe terroriste, combinée au refus de l’ex-président américain Donald Trump de continuer à financer l’incursion de Washington en Syrie au-delà de son déploiement dans la partie kurde riche en pétrole, a été la clé de la défaite de l’EI.

Maintenant qu’il ne semble pas rester grand-chose à faire, Macron recommande à la coalition, qui est restée les bras croisés quand la Russie, l’Iran et la Syrie ont fait le plus gros du travail, de s’attaquer au Hamas. Qui, selon lui, fera le travail cette fois-ci ? La Russie, qui ne fait toujours pas partie de la coalition ? La Syrie, qui a récemment été frappée par des tirs de missiles en provenance d’Israël ? Le Hezbollah, allié de l’Iran, qui a perdu un millier d’hommes en combattant l’EI en Syrie et que Netanyahou a mis dans le même panier que le Hamas comme ennemi d’Israël ? Bonne chance !

Le Hamas est-il une menace mondiale ? 

Ainsi, si les combattants les plus efficaces contre Daech sont exclus de la lutte contre le Hamas, qui reste-t-il dans la coalition réclamée par Macron ? Le Sud, y compris certains pays africains qui viennent de chasser les troupes françaises pour des missions antiterroristes ratées qui ont conduit à de nombreux coups d’État et à l’épanouissement du djihadisme ? Il est peu probable que ces pays veuillent participer à une nouvelle mission antiterroriste avec les forces de ceux-là mêmes qu’ils viennent de chasser.

Et puis, il y a des membres de la communauté internationale qui pensent tout bas ce que le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a osé dire tout haut la semaine dernière, c’est-à-dire que la brutale attaque du Hamas du 7 octobre, qui a tué près d’un millier de civils et des centaines de militaires et de membres des organes de sécurité, «ne venait pas de nulle part». Il faisait bien sûr allusion au harcèlement de longue date, reconnu par les Nations unies, des civils de Gaza par Israël. Après sa déclaration se pose la question : le Hamas représente-t-il réellement une menace mondiale ? Ou est-ce uniquement le problème d’Israël ?

L’agitation anti-israélienne va au-delà de la zone de conflit immédiate, y compris en Europe occidentale et aux États-Unis, mais ces protestations ne sont pas liées au Hamas. Au contraire, les citoyens des autres pays du monde réagissent surtout aux injustices qu’ils constatent, en particulier à la lumière de ce qu’ils considèrent comme un establishment occidental majoritairement pro-israélien qui, dès le départ, a drastiquement réduit au minimum l’attention à prêter en matière de protection des civils palestiniens. Toute action mondiale contre le Hamas semble donc futile.

La coalition anti-EI a ciblé la propagande du groupe terroriste : son site web indique que «l’utilisation par l’EI des réseaux sociaux pour commettre des actes terroristes est bien documentée. En réponse, les partenaires de la coalition travaillent ensemble pour dénoncer les mensonges qui sont à la base son idéologie». Ils sont libres de le faire, mais pourquoi le faire s’il y a déjà une discussion ouverte entre les acteurs qui peuvent voir les reportages du terrain et prendre indépendamment la mesure de la situation ? On ne saurait se fier aux gouvernements pour que ceux-ci ne mettent pas en avant leur propre propagande sous prétexte d’en combattre une autre : ils ne font que promouvoir le narratif qui les arrange.

Dissoudre la coalition ?

Il suffit de rappeler un exemple récent de la propagande de l’un des gardiens autoproclamés de la vérité, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. «La Russie et le Hamas se ressemblent… leur essence est la même», a-t-elle déclaré. Non, en fait, ce n’est la même chose. Même Israël ne dit pas ça, mais «Vladimir Poutine veut éliminer l’Ukraine de la carte. Le Hamas soutenu par l’Iran, veut éliminer Israël de la carte», a soutenu Mme von der Leyen. En outre, le fait que nous nous soyons trompés sur les intentions de Poutine concernant l’Ukraine, c’est comme dire que parce que Warren Buffett a un compte en banque et que j’ai un compte en banque moi aussi, je suis aussi milliardaire. C’est exactement le genre de bêtises dont les campagnes anti-propagande occidentales font la promotion.

La coalition anti-EI a été créée pour combattre l’EI. Si l’EI n’est plus un problème, il suffit de la dissoudre. Combien de structures interventionnistes supplémentaires l’Occident doit-il monter ? Il existe déjà assez d’outils et de mécanismes de coordination pour partager les renseignements, la propagande et les opérations de sécurité. En outre, il n’y a aucune preuve de ce qu’un meilleur renseignement pourrait aider Israël lors même que des responsables égyptiens et américains affirment que Netanyahou avait été prévenu d’une attaque imminente du Hamas. La seule chose à laquelle une bureaucratie encore plus inutile gérée par l’Occident puisse aider, c’est la soif de l’Occident d’en avoir encore plus.

 




Proche-Orient : «Il est essentiel de ne se couper de personne», estime Villepin


Source

Leave a Reply

Your email address will not be published.

Back to top button