Chroniques

De la militarisation du discours à l’envoi effectif de troupes : où Macron va-t-il s’arrêter dans la trahison ?

Le discours politique français s'est brutalement militarisé en quelques semaines. Karine Bechet-Golovsko dénonce une trahison de l'intérêt national français.


La France prépare l’envoi «d’environ 2 000 militaires» en Ukraine, selon les services extérieurs russes

Le 26 février, Emmanuel Macron ouvre la boîte de Pandore en envisageant, lors d’une conférence de presse parfaitement préparée, l’envoi de troupes régulières des pays de l’OTAN au sol, officiellement, en Ukraine contre la Russie. Depuis, la militarisation du discours politico-médiatique a été enclenchée en France. Ce qui était très rationnellement le but recherché de la manœuvre.

Après un choc concernant le fait même de cette possibilité, la ligne de la normalité s’est peu à peu déplacée et la question de l’envoi de troupes régulières en Ukraine n’est plus un tabou, elle fait pleinement partie du discours politico-médiatique produit. Formellement, les États-Unis ont botté en touche en affirmant que cela ressortait de la décision souveraine des dirigeants européens, que pour l’instant, eux, les États-Unis ne participeraient pas – officiellement.

Du rejet initial, les leaders européens mettent avec le temps de l’eau dans leur vin et certains estiment que finalement, il ne faut rien rejeter a priori, pas maintenant mais plus tard, qui sait, peut-être le faudra-t-il… Ainsi, la normalité politique a également été déplacée.

Une évolution dangereuse

La question qui est alors sur toutes les lèvres est de savoir si l’on restera dans le cadre de la production d’un discours guerrier ou si réellement des troupes régulières vont être envoyées en Ukraine. Or, l’on voit une dangereuse évolution. Si au début, il s’agissait dans les médias français de savoir si l’on pouvait envoyer des hommes, désormais le curseur a glissé vers quand et combien.

Nous avons assisté à une véritable montée en puissance. Ainsi, après les élections présidentielles russes, il semble normal sur le service public de l’audiovisuel d’en appeler au meurtre de Vladimir Poutine. Jean-François Colosimo, présenté comme historien sur la 5e chaîne, déclare : «Ce que Poutine redoute le plus, c’est de finir comme Saddam, comme Khadhafi : d’être poursuivi et d’être lynché par son peuple. C’est ça qu’il faut lui promettre.»

L’on notera tout d’abord, la réécriture flagrante de l’histoire, ce qui pour un historien est amusant. Saddam et Kadhafi ont été assassinés suite à des interventions étrangères dans leur pays, qui ont permis de renverser le pouvoir, d’y mettre des figures soumises au pouvoir globaliste et d’organiser pour légitimer cela des parodies de procès, en violation des us et coutumes en la matière. Les peuples n’y sont ici strictement pour rien, il ne s’agit aucunement de grands soulèvements populaires spontanés.

Manifestement, le service public français de l’audiovisuel rêve tout haut, avec les dirigeants dont il porte la divine parole, d’une intervention militaire en Russie, qui pourrait conduire à l’assassinat de Vladimir Poutine et à l’installation d’un pantin docile. Comme l’affirme Colosimo, «c’est ce qu’il faut promettre» à Poutine. Qu’un individu se laisse emporter par ses élans extrémistes, cela semble être légion aujourd’hui, il est en revanche désagréable de voir que les organes publics devant protéger la population d’une telle violence verbale détournent le regard. L’Arcom reste parfaitement absente, elle préfère achever CNews et continuer à lutter contre le pluralisme du discours, après avoir permis l’interdiction des médias russes.

Un ennemi imaginaire

La figure de l’ennemi, «Russie» en général et «Poutine» en particulier, doit bien entrer dans les esprits, car s’il faut envoyer des troupes, il faut justifier une intervention aussi loin de ses frontières. Et à ce sujet, l’émission de LCI d’il y a quelques jours sur les scénarios d’intervention des troupes françaises en Ukraine nous donne deux indications particulièrement intéressantes. Vincent Arbaretier, présenté comme lieutenant-colonel et historien militaire, nous explique très sérieusement que la Russie ne présente aucun danger pour la France dans ses frontières… mais qu’il va falloir aller défendre en Ukraine les intérêts de la France (ici, en revanche, il reste parfaitement silencieux sur ce que sont ces intérêts… pas très nationaux ou dicibles), qu’il va falloir aller défendre l’Ukraine puisqu’elle va entrer dans l’UE et dans l’OTAN et qu’il va falloir défendre l’UE. Il était difficile d’être plus clair.

Autrement dit, l’on nous affirme bien que la Russie ne présente aucun danger pour la France… et c’est bien la raison pour laquelle il va falloir aller se battre contre elle. Logique, non ?

Et comme nous sommes dans la société de la communication, l’on annonce publiquement quand, combien et où nos soldats seront positionnés, ce qu’ils y feront. Bref, soit le long du Dniepr, soit le long de la frontière biélorusse, voire les deux à la fois. Il va s’agir de rien moins que de 20 000 hommes. Mais miracle du règne globaliste, la France ne serait pas pour autant en guerre contre la Russie.

Mais non, voyons. Comme la Russie vient d’apprendre un tel déploiement de forces, elle va immédiatement trembler de peur et aller se cacher… à Moscou. C’est quand même en substance ce qui nous est expliqué : les forces françaises déployées ne feront que de la dissuasion, ce qui empêchera par magie la Russie d’avancer.

Vers une troisième guerre mondiale ?

Juste une question : qui vous a promis que la Russie ne les prendra pas pour cible légitime, puisque ce sont des militaires armés ? Et si elle tire, que vont faire les militaires français, se laisser tuer ou répondre ? Qui vous dit que les militaires français, une fois sur place, n’auront pas l’ordre, par exemple, de se rapprocher du front pour aider, ponctuellement bien sûr, l’armée atlantico-ukrainienne ? Et que feront-ils alors, ils iront boire le thé – avec leurs collègues britanniques, déjà sur place ?

Si la France envoie des forces régulières armées, peu importe leur mandat formel et initial, la France entrera obligatoirement en guerre contre la Russie. Et avec elle, elle entraînera les autres pays européens, par le jeu fatal bien connu des accords réciproques, sans qu’il ne soit possible alors d’arrêter le processus de déclenchement de la troisième guerre mondiale.

Et les autorités françaises sont prévenues. Le directeur du renseignement extérieur, qui est une personne extrêmement posée, l’a bien dit : tout soldat français, qui arrive les armes à la main sur la terre du monde russe deviendra une cible militaire prioritaire légitime.

L’on en revient toujours à la même question : et pour quoi, puisqu’il est bien reconnu que la France n’est pas en danger ? Si la France a des intérêts très spécifiques à défendre en Ukraine, elle a de toute manière besoin pour cela d’un système politique stable, qui gère le territoire ukrainien, qui ne soit pas dépendant des intérêts américains. Elle n’a absolument pas besoin d’un territoire en faillite, mis sous tutelle globaliste. Si la France s’implique et est lancée pour entraîner toute l’Europe avec elle dans une guerre de haute intensité sur le front ukrainien contre la Russie, ce n’est pas pour défendre l’intérêt national français (ni ukrainien, d’ailleurs), c’est justement pour agir contre l’intérêt national de la France, pour défendre un intérêt extérieur et étranger.

N’est-ce pas cela la haute trahison ?

 




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