Washington exige des preuves de la victoire du président vénézuélien Nicolas Maduro. Mais en quoi cela concerne-t-il les États-Unis ? Analyse de la chroniqueuse Rachel Marsden.
Cet article a été publié sur RT International par Rachel Marsden, chroniqueuse et présentatrice de débats télévisés de production indépendante, en français et en anglais.
L’Occident veut que Nicolas Maduro, le président vénézuélien récemment réélu, prouve qu’il a vraiment gagné les élections. Il n’a cependant pas besoin de prouver quoi que ce soit, et c’est l’ingérence incessante de l’Occident dans les affaires intérieures du Venezuela qui l’a pratiquement garanti.
«Si Nicolas Maduro insiste sur le fait qu’il a gagné et ne veut pas comprendre que sans vérification la communauté internationale ne sera pas sûre des résultats, le Venezuela pourrait connaître une crise grave. Nous essayons tous d’éviter que cela se produise», a affirmé Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne. Le département d’État américain, quant à lui, a déclaré que la communauté internationale était à court de patience en attendant des preuves des résultats du scrutin. L’Occident exige toutes les réponses maintenant, alors que les manifestations de l’opposition se poursuivent dans le pays. Sinon quoi ? Vous menacerez de renverser le régime de Nicolas Maduro ? Vous retournerez les ONG liées au gouvernement contre lui ? Vous enverrez vos mandataires pour faire le sale boulot à votre place ? Vous nommerez au hasard un type président élu et exigerez que vos alliés à travers le monde entier le traitent comme s’il était le véritable dirigeant du pays ?
L’Occident a déjà essayé toutes ces options. C’est notamment pour cette raison qu’il lui est presque impossible de monter un dossier crédible contre Nicolas Maduro. Il y a eu suffisamment d’ingérences flagrantes dans les affaires intérieures du Venezuela de nature à semer le doute dans l’esprit d’une masse critique de Vénézuéliens quant aux motivations et connexions de toute opposition.
Même si l’Occident n’aime pas Nicolas Maduro en particulier, soyons honnêtes : ce qui est encore plus agaçant, ce sont des étrangers qui font les imbéciles au Venezuela, en disant ce qu’il doit faire. C’est comme si vous sortiez avec un tocard et entendiez vos amis et votre famille dire sans cesse de le larguer. Pour qui se prennent-ils ? Vous le larguerez à vos propres conditions, quand vous y serez prête.
Si Maduro doit affronter l’opposition, il est le seul à devoir le faire, pour le bien de tous ceux qui sont engagés, car toute ingérence étrangère, qu’elle soit rhétorique, militaire, économique ou autre, n’aboutira qu’à un résultat dépourvu de toute crédibilité aux yeux des Vénézuéliens.
Il est peu probable que quelqu’un à Washington se soucierait jamais du Venezuela si les États-Unis ne désiraient pas piller ses ressources. Et il n’y a là rien de surprenant. Nicolas Maduro n’a pas rendu ce pillage suffisamment facile à effectuer, et c’est pourquoi l’Occident aimerait le remplacer par quelqu’un d’autre qui le fasse.
Et épargnez-moi les arguments sur les droits de l’homme et la souffrance économique. Si Washington s’en préoccupait vraiment, il y a plein de pays qu’il pourrait être obsédé par l’idée de «sauver». S’il se souciait vraiment du peuple, il n’aurait pas imposé des sanctions incessantes afin de tenter de rendre désespéré le Vénézuélien ordinaire au point de recourir à un changement de régime.
C’est grâce à l’ancien président américain Donald Trump, dont le thème musical de son ancienne émission télé, The Apprentice, ne comportait qu’un seul mot dans son refrain, à savoir «argent», que les intentions ont été mises à nu. Donald Trump dit détester les guerres à l’étranger. En revanche, il adore les ressources des autres pays. C’est pourquoi il a retiré les troupes américaines de Syrie, tout en maintenant une présence suffisante pour garder le pétrole. Lors de la récente interview avec Elon Musk sur X, Donald Trump s’est dit mécontent que Biden ait levé les sanctions contre les gazoducs Nord Stream acheminant du gaz russe bon marché vers l’Europe car l’administration de Trump envisageait de faire fortune en vendant du gaz américain en Europe.
John Bolton, ancien conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, a écrit dans ses mémoires La pièce où ça s’est passé que Donald Trump lui avait dit d’«en finir avec ça», en faisant référence à l’éviction de Nicolas Maduro, ajoutant que c’était la cinquième fois qu’il le demandait, comme si John Bolton était un majordome qui ne lui avait pas encore apporté son coke diète. Selon John Bolton, Donald Trump a déclaré que les États-Unis «devraient s’emparer du pétrole vénézuélien après avoir chassé Maduro».
Une prime de 15 millions de dollars de Washington sur la tête de Maduro
L’administration Trump avait un jour placé une prime sur Nicolas Maduro s’élevant jusqu’à 15 millions de dollars pour «narco-terrorisme, complot en vue d’importer de la cocaïne, détention et complot en vue de détenir des armes automatiques et des dispositifs de destruction». Une image qui correspondrait beaucoup mieux aux membres des FARC en Colombie, allié américain qui a également hébergé Juan Guaido, faux «président» trié sur le volet par l’Occident et ses acolytes.
La Colombie a également servi de tête de pont aux mercenaires qui préparaient des incursions au Venezuela sous l’administration Trump. Parmi ces mercenaires figurait un ancien général vénézuélien qui a également fourni des armes aux membres des FARC. Le mois dernier, Jordan Goudreau, ancien béret vert américain et propriétaire de la société militaire privée Silvercorp USA, a été accusé au niveau fédéral d’avoir violé la législation américaine sur le contrôle d’armes pour avoir prétendument apporté des armes américaines en Colombie afin de mener une incursion au Venezuela en vue d’évincer Maduro en 2020, un plan appelé l’opération Gideon qui a finalement échoué et l’a conduit dans une prison vénézuélienne. Et ce n’est certainement qu’une coïncidence qu’il ait également accompagné, selon l’agence Associated Press, le garde du corps de longue date de Trump, Keith Schiller, à une réunion avec les représentants de Juan Guaido à Miami. S’il avait réussi à renverser le régime, n’avait pas gêné les États-Unis et n’avait pas été lié à la présidence de Donald Trump, l’administration de Joe Biden l’aurait-elle inculpé ?
Plus tôt ce mois-ci, Erik Prince, fondateur de l’ancienne société militaire privée américaine Blackwater et partisan fervent de Trump, a publié une vidéo sur X qui semble avoir été enregistrée après un cours d’espagnol de cinq minutes sur Duolingo. Assis devant une croix et arborant une chemise avec l’inscription «Résistance vénézuélienne» et la silhouette du Venezuela dans un viseur rouge, Erik Prince a déclaré que les «amis du Nord» de l’opposition allaient «bientôt arriver». C’était très bien pour son image de marque personnelle et le buzz, mais pas pour une action secrète. Et ce n’était qu’une preuve de plus que le Venezuela est devenu une destination touristique à la mode pour les intervenants néoconservateurs, tout comme Dubaï pour les leaders d’opinion pour faire des photos en bikini.
L’équipe de Joe Biden ne semble pas être moins déterminée à évincer Nicolas Maduro que celle de Donald Trump. La prime sur le président vénézuélien est toujours présente sur le site du département d’État, mais comme toutes les astuces ont apparemment déjà été essayées sans succès, les États-Unis semblent être à court d’options. La Maison Blanche a même dû démentir les informations faisant état d’une proposition de ne pas poursuivre Nicolas Maduro au pénal pour les accusations de «narco-terrorisme» s’il quittait tranquillement le pouvoir. Même s’il y avait une part de vérité, le chantage public ou la corruption par la Maison Blanche d’un président d’un pays riche en ressources qui n’est pas lèche-bottes ne serait probablement pas du meilleur goût.
Grâce à Washington et à ses alliés, il est aujourd’hui pratiquement impossible de savoir ce qui se passe vraiment au Venezuela ou dans quelle mesure l’opposition vénézuélienne est unie. Pourquoi Nicolas Maduro devrait-il prouver quoi que ce soit à ses critiques occidentaux ?Comme s’il pouvait leur montrer quelque chose auquel ils répondraient simplement : «D’accord, ça va. Très bien. Reste donc au pouvoir.» En fait, l’Occident a garanti à Maduro une longévité dont il n’aurait peut-être pas bénéficié si l’Occident n’avait pas brouillé les cartes pour l’électeur vénézuélien moyen aux yeux du monde entier.