Le score de 94% du président algérien réélu Abdelmadjid Tebboune n'est pas une surprise, estime Riadh Sidaoui, expert du monde arabe et directeur du CARAPS.
RT en français : Comment expliquez-vous le taux de participation de 48 % à la présidentielle algérienne ?
Riadh Sidaoui : Par les réformes, surtout les réformes touchant l’administration. Il faut savoir que la bureaucratie administrative algérienne est héritée du colonialisme français. C’est une bureaucratie très lourde. Abdelmadjid Tebboune a déclaré à plusieurs reprises que l’administration devait changer. Dans ses relations avec la Russie ou la Chine, par exemple, l’Algérie insiste également sur l’industrialisation, ce qui veut dire : «Aidez-nous à industrialiser le pays». Elle est dans une position économique très confortable. Parce que la rente d’hydrocarbures, que ce soit de pétrole ou de gaz, est excellente. Donc il y a beaucoup de cash et il doit être investi dans le domaine industriel et le domaine agricole. Parce que l’objectif du président Tebboune est de sortir de la dépendance aux recettes d’hydrocarbures, c’est-à-dire de diversifier l’économie, d’industrialiser le pays, de parvenir à l’autosuffisance de tous les produits agricoles, le blé, etc. Ce sont les grands objectifs.
RT en français : Et pour le score du présidant réélu ?
R. S. : Abdelmadjid Tebboune a été réélu à 94 %. Ce n’est pas une surprise parce qu’il est soutenu par les deux plus puissants partis politiques en Algérie, à savoir le FLN, le Front de Libération Nationale, ce parti historique, et le RND, le Rassemblement National Démocratique, qui ont la majorité au sein du Parlement algérien. Certes, il est un candidat indépendant, libre, mais soutenu par les deux plus puissants partis algériens. Il jouit également du soutien de la jeunesse, parce qu’avec le président Abdelmadjid Tebboune, c’est la première fois que l’Algérie distribue des indemnités de chômage. C’est donc l’État-providence qui est en train de s’installer en Algérie, c’est-à-dire que si vous ne travaillez pas, l’État a l’obligation de vous aider avec des indemnités de chômage.
RT en français : Sur le plan diplomatique, l’Algérie est un pays pivot dans le Maghreb et en Afrique, quel rôle pourrait jouer la diplomatie algérienne ?
R. S. : La diplomatie algérienne est une diplomatie indépendante, équilibrée dans ses relations extérieures, mais qui s’inspire des valeurs de la Révolution algérienne du 1er novembre 1954. Elle affiche publiquement son soutien inconditionnel aux mouvements de libération nationale, ceux des Palestiniens et du peuple sahraoui en tête. L’Algérie a historiquement soutenu Nelson Mandela et tous les mouvements de libération nationale en Afrique, comme l’Union soviétique, d’ailleurs, à l’époque. C’est un choix, mais le président Abdelmadjid Tebboune est aussi rationnel et [pragmatique] dans ses relations avec les capitales occidentales.
Ce sont les chefs d’État et les chefs de gouvernement occidentaux qui viennent en Algérie parce qu’ils sollicitent l’Algérie. Ils recherchent son gaz, son pétrole, des investissements, etc. L’Algérie aujourd’hui, ce n’est plus l’Algérie des années 90 qui cherchait des crédits auprès du FMI. Non. L’Algérie a la recette et la rente d’hydrocarbures, donc elle a beaucoup d’argent, elle veut investir. N’oublions pas qu’elle a aussi adhéré à la banque des BRICS. Et prochainement, à mon avis, l’Algérie va devenir aussi membre des BRICS. Les Algériens disent que ceux qui ont aidé notre révolution, ce sont la Chine populaire et l’Union soviétique, donc la Russie. C’est pourquoi ils doivent toujours rester nos meilleurs alliés, nos meilleurs amis.
RT en français : Qu’en est-il des relations avec la France ?
R. S. : Ce sont des relations très difficiles.
Il y a souvent beaucoup de problèmes.
L’Algérie a rappelé son ambassadeur à Paris parce que la France ne veut pas reconnaître qu’elle a massacré plus de 9 millions d’Algériens, selon le chiffre donné par Abdelmadjid Tebboune, depuis la colonisation de l’Algérie en 1831 jusqu’à son indépendance le 5 juillet 1962.
Les Français, jusqu’à nos jours, ne veulent pas admettre leur crime contre la population civile algérienne. La mémoire pèse donc beaucoup dans ces relations. Ce n’est pas facile pour les Algériens d’avoir des relations normales avec la France si elle ne reconnaît pas ces massacres et ce génocide contre le peuple algérien.
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