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Dans une lettre ouverte, l’humoriste controversé Dieudonné «demande pardon» à la communauté juive

L'humoriste a choisi un magazine franco-israélien pour présenter ses excuses. Son avocat a affirmé qu'il s'agissait d'une démarche sincère de sa part, car il aurait «pris conscience» du caractère blessant de certains de ses propos et sketchs passés.

La démarche est, pour le moins, surprenante. Après avoir été condamné à plusieurs reprises pour des injures à caractère antisémite et des propos négationnistes, l’humoriste controversé franco-camerounais Dieudonné a présenté ses excuses à la communauté juive dans une lettre publiée par Israël Magazine le 10 janvier.

Dans son texte sobrement intitulé «Je demande pardon», Dieudonné rappelle qu’il ne s’était pas exprimé depuis longtemps «dans un média officiel» et souligne qu’il a consacré beaucoup d’énergie à la profession d’humoriste, quitte à en faire un véritable «sacerdoce», au détriment parfois de sa famille et de ses proches.

Je reconnais humblement m’être laissé aller au jeu de la surenchère

S’excusant auprès de ces derniers, il demande également pardon à «toutes celles et ceux» qu’il a «pu heurter, choquer, blesser» au travers de certaines de ses «gesticulations artistiques», selon ses mots. «Je pense notamment à mes compatriotes de la communauté juive, avec lesquels je reconnais humblement m’être laissé aller au jeu de la surenchère», poursuit l’artiste, reconnaissant s’être livré à des «outrances» et des «provocations déplacées».

«Pour toutes ces fautes et excès, je demande pardon», répète-t-il, précisant que son ambition consistait à «faire rire tout le monde», y compris cette communauté. «Je n’ai pas réussi à la faire rire, et je le regrette», complète Dieudonné, avant d’expliquer qu’il préparait désormais sa retraite au Cameroun, qu’il espère effectuer «en paix» avec lui-même comme avec les autres. «Je veux apporter ma pierre à l’édifice de la réconciliation dans un contexte de tensions générales exacerbées», assure-t-il, ajoutant ne rechercher aucune «excuse» ou «circonstance atténuante» pour ses propos passés.

Une véritable «prise de conscience», selon l’avocat de Dieudonné

Si ce courrier de pénitence a créé la surprise au point que certains se sont demandés s’il ne s’agissait pas d’une fausse information, Dieudonné a lui-même confirmé au Parisien que la tribune était bien de lui. André Darmon, directeur de la rédaction d’Israël Magazine, a expliqué au quotidien qu’il avait accepté de publier le texte après avoir été contacté par Francis Lalanne, «un ami», qui lui a présenté la démarche de l’humoriste comme «une véritable volonté de faire contrition».


Dieudonné perd un procès en appel pour négationnisme en Suisse

Le même André Darmon s’est exprimé sur le sujet dans l’émission Touche pas à mon poste (TPMP) le 10 janvier également, évoquant à nouveau un «revirement» confinant à la «démarche spirituelle». S’il a indiqué avoir hésité à publier la missive de Dieudonné, il a fait valoir que la démarche de l’artiste méritait «l’écoute», tout en espérant qu’il «ne nous mente pas».

Sur le même plateau, son avocat Emmanuel Ludot a assuré qu’il s’agissait d’une «prise de conscience» datant de «plusieurs années» chez Dieudonné, qui se serait rendu compte de la «gravité absolue» de l’antisémitisme, sujet auquel il serait préférable de ne pas plaisanter. «Il est, effectivement, sincère», a-t-il insisté.

Précisant l’avoir rencontré en septembre 2022, l’avocat a expliqué qu’il avait conseillé à l’humoriste de préparer minutieusemeonnt sa demande publique de pardon et qu’il avait ensuite relu «chaque virgule» du texte publié dans le magazine franco-israélien. Le choix de ce support a d’ailleurs été encouragé par Emmanuel Ludot, estimant que c’était «à partir d’Israël qu’il fallait manifester ce pardon». 

La démarche a même pris un caractère très officiel, puisque le grand rabbin et l’ambassadrice d’Israël à Paris ont été informés en amont, selon l’avocat. 

Des réactions très contrastées dans la communauté juive

Réagissant à l’acte de contrition de l’humoriste, l’avocat franco-israélien Gilles-William Goldnadel a rappelé qu’il avait été «le premier à le faire condamner», tout en estimant que Dieudonné, par ses excès, avait à la fois «gâché son talent» et «détruit sa vie et sa carrière». Il a pris acte de la bonne volonté affichée par l’artiste, affirmant que «si ses condamnations sont entièrement exécutées et si son repentir est sincère, je ne vois pas au nom de quoi je ne lui pardonnerais pas».

A l’inverse, l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) a, dans un communiqué, vivement dénoncé une «tentative de réhabilitation d’un multirécidiviste de la haine», ne voyant dans cette «soi-disant lettre d’excuses» qu’une «supercherie». «La seule chose qu’on peut attendre de Dieudonné […] c’est l’oubli», a-t-elle asséné.

L’organisation s’en est d’ailleurs prise à l’animateur de l’émission TPMP Cyril Hanouna, accusé de «surfer sur le nom de Dieudonné M’Bala M’Bala pour faire de l’audience» et de se placer «dans le sillage d’un professionnel de l’antisémitisme». En lisant la fameuse lettre en direct, l’animateur a, selon la formule de l’UEJF, «trahi des années de lutte contre l’antisémitisme».  

Au cœur de plusieurs polémiques liées à des propos et sketchs jugés antisémites, l’humoriste franco-camerounais s’est vu interdire l’accès à de nombreuses salles de spectacle, bannir des réseaux sociaux et a été condamné pour ce motif à plusieurs peines. En février 2021 notamment, la cour d’appel de Paris avait confirmé sa condamnation à 9 000 euros d’amende pour complicité d’injure à caractère antisémite après la publication d’une vidéo et d’une chanson intitulées «C’est mon choaaa».

La justice a aussi rendu plusieurs décisions à l’encontre de Dieudonné dans des affaires d’injures proférées envers des fonctionnaires et des élus, dont le maire de la ville Christian Estrosi. En 2021 également, il avait été condamné en appel à trois ans d’emprisonnement, dont deux ferme, et 200 000 euros d’amende, pour avoir détourné plus d’un million d’euros de recettes non comptabilisées de ses spectacles.




La cour d’appel confirme la condamnation de Dieudonné pour sa chanson «C’est mon choaaa»


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