En raison d'un examen accéléré, le texte sur la réforme des retraites n'a pas pu finir d'être étudié par les députés. Il va prendre la direction du Sénat, où il sera débattu à partir du 28 février, alors que la mobilisation dans la rue se poursuit.
Dans la confusion, l’Assemblée a conclu le 17 février à minuit, sans vote, l’examen en première lecture du projet de réforme des retraites, sur un énième imbroglio au sujet des carrières longues, l’examen du texte devant désormais se poursuivre au Sénat. Les députés ont ensuite largement rejeté une motion de censure déposée par le Rassemblement national (RN). En préambule, Marine Le Pen avait dénoncé «un projet […] mal porté et mal expliqué».
Dans un hémicycle clairsemé, Élisabeth Borne a rétorqué que le débat avait montré, selon elle, les visages de «deux populismes», ceux du RN et de La France insoumise (LFI).
Le débat sur la réforme phare d’Emmanuel Macron s’est achevé comme prévu à minuit pile, en raison de la procédure législative accélérée. «Le gouvernement saisira le Sénat du texte qu’il a initialement présenté, modifié par les amendements votés», a annoncé le ministre du Travail Olivier Dussopt.
Élisabeth Borne a annoncé que le gouvernement retiendrait des mesures favorables aux enseignants du premier degré, aux professions libérales, aux pensions agricoles, aux retraités à Mayotte et aux «carrières longues», sans plus de précisions.
Point d’orgue de deux semaines de débats au mieux tendus, au pire chaotiques, Olivier Dussopt a réservé ses derniers propos aux Insoumis : «Vous m’avez insulté 15 jours, personne n’a craqué et nous sommes là, devant vous, pour la réforme», a-t-il lancé, furieux. Certains députés LFI sont sortis en chantant «on est là, on est là», avant que des députés de la majorité, de droite et du RN entonnent une Marseillaise.
«Macron en échec à l’Assemblée. La retraite à 64 ans n’est pas passée», a réagi avant même la fin des débats le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon. «Cette réforme n’a pas de légitimité parlementaire», a renchéri la présidente du groupe Mathilde Panot.
Le flou demeure concernant les carrières longues
Sans surprise au vu du nombre d’amendements restant, essentiellement des Insoumis, et de la date butoir fixée à minuit, les débats se sont interrompus très loin du fameux article 7 sur le report de l’âge légal à 64 ans.
Nous ne pouvons pas sortir de tout ça avec des doutes
Tout au long de la soirée, la discussion a porté sur la durée de cotisation pour les retraités pouvant bénéficier du dispositif «carrières longues», c’est-à-dire ceux qui sont entrés dans le monde du travail avant 21 ans. 43 ou 44 ans ? La question n’a pas été clairement tranchée, malgré l’insistance de députés LR, menés par Aurélien Pradié, qui exige que tous les travailleurs concernés puissent partir après 43 années de cotisations, sans que l’âge légal ne soit une barrière.
«Je ne dirai jamais devant l’Assemblée nationale que la durée de cotisation serait un plafond», a déclaré Olivier Dussopt, estimant que ce serait «mentir». «Nous ne pouvons pas sortir de tout ça avec des doutes», lui a répondu Aurélien Pradié, demandant une position claire.
Place au Sénat… et à la rue
La gauche parlementaire s’est divisée sur la stratégie à adopter, les écologistes regrettant auprès de l’AFP «un raté stratégique» de LFI. «Je regrette qu’un certain nombre de groupes de la Nupes aient choisi en quelque sorte d’abandonner leurs amendements, d’abandonner la bataille et de nous laisser seuls pour tenir jusqu’au bout», a déclaré de son côté l’Insoumis Manuel Bompard.
Les syndicats pressaient l’alliance de gauche d’aller jusqu’à cet article clé du projet de réforme. «L’Assemblée nationale donne un spectacle désolant, au mépris des travailleurs. Honteux», a réagi dans la soirée le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger.
Les dernières manifestations du 16 février ont rassemblé 1,3 million de personnes selon la CGT et 440 000 selon l’Intérieur. C’est le chiffre le plus faible depuis le début de la mobilisation, sans doute en raison des vacances scolaires dans une bonne partie du pays, dans l’attente du 7 mars où les syndicats menacent de mettre le pays «à l’arrêt» si le gouvernement ne retire pas la réforme. La CGT a appelé le 17 février à la grève reconductible dans les raffineries dès le 6 mars.
A gauche, l’attention se porte sur ces prochaines mobilisations. «On pense au mouvement social. J’espère que la séquence ne va pas l’affaiblir. En 2020, on était crevés mais fiers, là non», explique une source au sein du groupe communiste. «Le 7 mars, nous vous ferons plier», a promis Matthias Tavel (LFI).
Dans l’hémicycle, le ton était déjà monté entre le gouvernement et le RN, Marine Le Pen accusant l’exécutif d’avoir pour «objectif» de «faire baisser» les revenus des retraités, ce qu’a récusé Gabriel Attal, le ministre des Comptes publics. «Vous n’avez pas de solution à proposer […] les Français le voient», a-t-il accusé.
«L’enjeu, c’est qui va imposer son récit», estime un élu Renaissance, tant il semble difficile de dire qui du gouvernement ou des oppositions sort renforcé de cette première manche parlementaire. Le Sénat se saisira du texte à partir du 28 février en commission.
Réforme des retraites : les syndicats prêts à «mettre la France à l’arrêt» le 7 mars