Dans la foulée du scrutin européen, Sébastien Chenu (RN) a proposé d’abroger les accords liant la France à l’Algérie. Datant de 1968 et souvent réformés depuis, ils assurent encore quelques droits aux ressortissants algériens que l'ensemble de la droite française voudraient remettre en cause. Les médias algériens y voient une manœuvre électorale.
À peine les élections européennes terminées que son vainqueur, le parti de Marine Le Pen, a ciblé les accords liant la France à l’Algérie. «Ils n’ont aucune raison d’être aujourd’hui», a déclaré le 10 juin Sébastien Chenu, porte-parole du Rassemblement national (RN), lors de son apparition télévisée dans l’émission Face à Face sur BFMTV.
Interrogé par Apolline de Malherbe sur les obligations de quitter le territoire français (OQTF), difficilement mises en œuvre selon le RN, le porte-parole a embrayé sur l’accord franco-algérien signé entre les deux pays le 27 décembre 1968, qui règlemente les circulations, l’emploi et le séjour des ressortissants algériens en France. «Très intéressant ce dossier OQTF. Nous, ce que nous proposons déjà, c’est par exemple d’abroger les accords qui nous lient à l’Algérie depuis 1968», a réitéré Sébastien Chenu.
Le porte-parole du RN a soutenu que les accords migratoires en question devraient être réévalués voire annulés. «Nous allons redéfinir [ces accords] totalement de façon à ce qu’ils ne soient plus dérogatoires du droit des migrations, de façon à pouvoir permettre à l’Algérie de reprendre un certain nombre de ses ressortissants. Nous allons mettre ça immédiatement sur la table», a-t-il annoncé, avant d’ajouter : «Édouard Philippe ne l’avait pas fait, aujourd’hui il nous dit : Il faut abroger ces accords de 68, voilà une chose que le gouvernement peut tout de suite enclencher.»
Ces accords ont été à plusieurs reprises revus depuis 1968, abrogeant entre autres les facilités de visas, mais ils permettent encore aux ressortissants algériens une plus grande liberté d’installation en cas de projet commercial, n’ayant pas à démontrer la viabilité du projet. Ils leur permettent aussi d’obtenir une carte de séjour de dix après un an de résidence (contre trois pour les autres étrangers hors UE), ainsi qu’une carte de séjour des conjoints immédiatement après l’entrée en France avec un visa de court séjour, alors que le régime général impose un visa long séjour.
Le RN utilise l’Algérie pour élargir sa base électorale, selon Algérie 360
Les réactions dans la presse algérienne ne se sont toutefois pas faites attendre. «L’Algérie reste un sujet de discussion pertinent dans la politique française, particulièrement pour l’extrême droite. Sébastien Chenu et le Rassemblement national utilisent ce thème pour aborder des questions plus larges et pour affirmer leur position sur l’immigration», a observé Algérie 360.
Le média estime que les positions du RN, qui «ne sont pas nouvelles», s’inscrivent dans le cadre «d’une continuité dans la rhétorique» visant à mobiliser sa base électorale et à attirer de nouveaux sympathisants.
Le site Tout sur l’Algérie (TSA) a, de son côté, alerté que l’éventualité d’une France dirigée par l’extrême droite était «loin d’être un événement anodin». TSA s’est également interrogé sur le maintien de la visite du président algérien Abdelmajid Tebboune à Paris en cas de victoire du Rassemblement national le 7 juillet prochain.
Alger tient au traité de 1968
La remise en cause de l’accord franco-algérien de 1968 sur l’immigration est en effet récurrente au sein de la droite française, qui reproche à celui-ci une inégalité de traitement à l’égard d’autres ressortissants. Même l’ancien Premier ministre d’Emmanuel Macron Édouard Philippe, en juin 2023 dans L’Express, avait plaidé pour sa dénonciation, notant une «particularité nette» en faveur des immigrés algériens. «Aucun ressortissant d’un autre État ne bénéficie de tels avantages», avait-il affirmé dans une interview intitulée : Édouard Philippe : immigration «subie», Algérie, délinquance… «On crève des non-dits». En décembre dernier, le groupe LR à l’Assemblée nationale avait aussi tenté d’abroger le texte, fustigeant un régime qui serait «presque un droit automatique à l’immigration».
La partie algérienne, elle, n’est pas du même avis. Pour le chef d’État algérien, le traité de 1968 «doit être respecté, du moins tant qu’il est en vigueur», selon ses dires rapportés par Le Figaro en 2022. «il y a une spécificité algérienne, même par rapport aux autres pays maghrébins», avait-il plaidé. Et de conclure : «Je me permets de paraphraser un ami qui, de manière anecdotique et ironique, me déclarait récemment que les Algériens devraient avoir des visas d’une durée de 132 ans [e temps de la colonisation française en Algérie]. Ce serait effectivement un échange de bons procédés !»
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