Chroniques

La Chine remodèle le monde avec le projet «Une ceinture, une route» et c’est une bonne chose

Depuis dix ans, le projet d’infrastructures le plus ambitieux de Pékin offre aux pays du Sud une alternative au développement dominé par l’Occident, selon Bradley Blankenship.

Cet article a été initialement publié sur RT en langue anglaise sous le titre «China is reshaping the world with Belt and Road, and it’s a good thing», par Bradley Blankenship, journaliste, chroniqueur américain ayant réalisé des reportages sur l’initiative chinoise en partenariat avec CCTV.

Des représentants de plus de 140 pays se sont réunis en Chine cette semaine pour une nouvelle édition du forum «Une ceinture, une route», une assemblée politique et économique internationale destinée à élaborer des plans d’action pour l’initiative chinoise «Une ceinture, une route». Il s’agit sans aucun doute du plus grand événement international de l’année pour la Chine qui s’est tenu autour du dixième anniversaire de la création de l’initiative. Dix ans après l’émergence de ce projet global d’infrastructures, il est important de souligner ses incroyables ramifications géopolitiques, ainsi que son impact au niveau des gens ordinaires.

D’un point de vue stratégique, l’initiative de la Chine relève du génie. Dans son article novateur de 1904 intitulé «Le pivot géographique de l’Histoire», Sir Halford John Mackinder affirmait que l’Empire britannique, qui mettait l’accent sur la puissance navale, perdrait de son importance à mesure que les transports terrestres en Eurasie se développeraient au point de créer ce qu’il appelait «l’île-monde». Cette publication est l’un des fondements de la géopolitique moderne. On peut considérer qu’il valide le concept de l’initiative «Une ceinture, une route».

«Une inclinaison géopolitique massive vers le monde multipolaire»

On peut dire qu’en développant des artères commerciales terrestres en Eurasie, la Chine met en place un réseau indestructible de croissance économique qui met à genoux les États-Unis, superpuissance unipolaire de notre époque. Bien que rien n’indique que cette initiative constitue, d’une quelconque manière, un projet d’infrastructures à usage militaire, son développement représente tout de même une inclinaison géopolitique massive vers le monde multipolaire.


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Comme l’indique le ministère chinois des Affaires étrangères, citant des données de la Banque mondiale, l’initiative a permis d’accroître les échanges commerciaux des pays participants de 4,1% en moyenne, d’attirer 5% d’investissements directs étrangers supplémentaires, de créer 3,4% de PIB en plus pour les pays à faibles revenus et d’augmenter la part des économies émergentes et en voie de développement dans le PIB mondial de 3,6% entre les années 2012 et 2021. Au total, l’initiative devrait générer 1 600 milliards de dollars de revenus par an d’ici à 2030. Il s’agit d’une aubaine absolument incroyable pour le monde, en particulier pour les pays du Sud.

La Banque mondiale souligne aussi que l’initiative permettra à 40 millions de personnes d’échapper à la pauvreté entre les années 2015 et 2030. D’ici fin 2022, les investissements chinois relatifs à l’initiative permettront de créer 421 000 emplois locaux et de mettre en œuvre avec succès plus de 3 000 projets. La plupart de ces projets visent à interconnecter le commerce mondial et à résoudre des problèmes pratiques liés à la qualité de vie des populations.

Pour commémorer le dixième anniversaire de l’Initiative et mettre en lumière l’impact des investissements chinois sur les vies humaines dans le monde, la China Global Television Network (CGTN) s’est associée à des équipes de production locales du monde entier pour créer une nouvelle série intitulée «Rising with Pride» («En ascension avec fierté»), qui a commencé à être diffusée. Le journaliste Oliver Vargas et moi-même avons travaillé sur la partie de la série qui se faisait en Bolivie, plus précisément dans un village proche de la centrale hydroélectrique San Jose 2, l’un des projets faisant partie de l’Initiative.

La Chine sort des populations entières de la pauvreté

Nous avons parlé à un local, Hector Cespedes Veizaga, qui vit à Colomi, en Bolivie. Grâce à la centrale, sa maison est désormais électrifiée, ce que de nombreuses communautés rurales de Bolivie n’étaient pas jusqu’à présent. Il a dit qu’il pouvait désormais se tenir informé de ce qui se passait dans le monde et en Bolivie, et que son enfant pouvait faire ses devoirs sans entrave. La famille d’Hector fait partie des centaines de milliers de personnes qui ont pu voir de leurs yeux les avantages tangibles de l’Initiative.

L’État chinois a sorti plus de 800 millions de personnes de la pauvreté au cours des quatre dernières décennies, il a déclaré la victoire contre l’extrême pauvreté en 2021. Aujourd’hui, il aide d’autres personnes à travers le monde. Outre le projet «Une ceinture, une route», la Chine a également lancé récemment son Initiative de développement mondial (IDM) pour atteindre un objectif similaire, même si l’on peut dire qu’elle se concentrera moins sur des actifs tangibles et davantage sur des projets durables et mutuellement profitables.

Les arguments des détracteurs ne tiennent pas la route

Pourtant, l’Initiative a été entachée de controverses, dont la plupart ont été propagées par des fonctionnaires occidentaux et des experts hostiles à la Chine. La «diplomatie du piège de la dette» est souvent invoquée, mais c’est aussi un mensonge facile à démystifier. Si l’on examine le ratio de la dette des pays à revenus faibles ou intermédiaires, on constate qu’il est toujours saturé par des prêts endossés par l’Occident qui sont octroyés par la Banque mondiale, par le FMI, par le Club de Paris ou par Wall Street. La Chine n’en représente qu’une infime partie. Si vous demandez un exemple de ces prêts chinois qui détruisent un pays, vous ne pourrez jamais en trouver, car de tels prêts n’existent pas. (Deborah Brautigam et Meg Rithmire ont coécrit un excellent article pour The Atlantic qui explique pourquoi la «diplomatie du piège de la dette» est un non-sens).


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Nous entendons aussi constamment dire que la Chine ne ferait pas ces investissements par pure bonté d’âme – et certainement, la Chine elle-même ne le revendique pas non plus : il suffit de constater l’omniprésence de l’expression «gagnant-gagnant» dans son langage diplomatique. Les Chinois ont certes leurs propres intérêts qu’ils défendent impitoyablement, mais c’est lorsque leurs intérêts coïncident avec ceux d’autrui – et il semblerait qu’il y ait beaucoup de convergences en la matière – que les choses aboutissent au succès.

Cela ne marche pas à chaque fois. Par exemple, de nombreux pays du format 17+1 (coopération entre la Chine et les pays d’Europe centrale et orientale) n’ont vu aucun avantage tangible à rejoindre l’Initiative, ce qui a incité nombre d’entre eux à quitter le format, n’ayant que des promesses d’investissements de plusieurs milliards de dollars. En effet, neuf des 16 membres initiaux du format n’ont reçu aucun investissement chinois dans les infrastructures jusqu’en 2020, malgré les grands espoirs qu’ils nourrissaient.

Les Etats baltes et la République tchèque n’ont pas su attirer fût-ce un seul projet, alors qu’ils s’étaient vu promettre plusieurs milliards de dollars en vertu d’accords signés. Un autre pays européen, l’Italie, seul pays du G7 à participer à l’initiative, devrait également la quitter prochainement faute de résultats. Rome avait rejoint l’Initiative en grande pompe en 2019 – je m’en souviens d’ailleurs, car j’étais dans la ville lors de la visite du président chinois Xi Jinping –, mais apparemment rien de bénéfique n’en est ressorti.

Cela étant dit, il y a deux choses importantes à garder à l’esprit. Ce n’est pas parce que l’Initiative n’a pas profité à certains pays qu’elle ne profitera pas à d’autres. L’inverse est également vrai : ce n’est pas parce qu’elle profite à certains qu’elle profitera à tous. En outre, l’existence du projet «Une ceinture, une route» est intrinsèquement bénéfique à l’ordre mondial, car elle constitue une alternative aux institutions de développement dominées par l’Occident, telles que la Banque mondiale et le FMI. C’est là l’intérêt : proposer des alternatives et permettre aux pays de choisir l’option qui leur convient le mieux.




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