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La réforme de l’assurance-chômage est-elle injuste ?

Les syndicats sont vent debout contre la réforme de l'assurance-chômage, y compris les plus centristes comme la CFDT, la CFTC ou la CFE-CGC. Les arguments ne manquent pas pour dénoncer une réforme qui relèverait davantage de la régression sociale.

Le gouvernement a présenté le 21 novembre sa réforme controversée de l’assurance-chômage, qui impliquera une baisse de 25% de la durée d’indemnisation pour tous les demandeurs d’emploi ouvrant des droits à partir du 1er février 2023.

Le principe guidant l’exécutif est de rendre l’assurance-chômage plus ou moins protectrice selon la conjecture, afin d’inciter au retour à l’emploi. Ainsi, la durée d’indemnisation ne serait conservée que si le taux de chômage passe au-dessus de 9% ou progresse de 0,8 point sur un trimestre. Or, le taux de chômage est actuellement de 7,3%, ce qui signifie qu’un chômeur ayant par exemple droit à 12 mois d’indemnisation dans le système actuel n’aura plus droit qu’à neuf mois d’indemnités à partir de février. 


Le gouvernement détaille les modalités de sa très controversée réforme de l’assurance-chômage

Le chiffre est déterminé par l’Insee selon les critères du BIT (Bureau international du travail). Le gouvernement applique un indicateur en vert si le taux de chômage est à moins de 9% et en rouge s’il dépasse ce pourcentage.

Un curseur qui n’est pas sans poser plusieurs problèmes, notamment celui de choisir le taux de 9% comme meilleur indicateur de la bonne ou mauvaise santé de l’emploi en France. Même en pleine période de crise Covid, le chiffre du taux de chômage s’élevait à 8,8%. Par ailleurs, le taux de chômage selon les critères du BIT s’avère particulièrement strict et ne reflète qu’imparfaitement la réalité de l’activité en France, puisqu’il suffit de travailler une petite heure au cours du mois pour être écarté des radars.

Un indicateur à 9% laisse donc au gouvernement une marge confortable pour faire des économies sur le dos des allocataires, en rabaissant la durée de leurs indemnités. Dans les prévisions, grâce à cette réforme, l’Etat économisera plus de 4 milliards d’euros.

Une réforme pour un plein emploi sans précarité, une chimère ?

Mais l’aspect lucratif n’est pas forcément celui qui est médiatiquement mis en exergue par l’exécutif. Le ministre du Travail Olivier Dussopt espère ainsi «100 000 à 150 000 retours à l’emploi» supplémentaires en 2023 et un plein emploi (soit environ 5% de chômage) d’ici 2027. Une assertion validée par son ancien camarade socialiste et actuel porte-parole du gouvernement, Olivier Véran. Sur CNews le 22 novembre, ce dernier n’a pas hésité à considérer que «dans la période que nous connaissons, 18 mois pour trouver un travail, c’est suffisant». 

En appui du gouvernement, le journaliste économique François Lenglet (parfois classé dans la tendance néolibérale) se moque des oppositions à la réforme sur RTL : «Honnêtement [l’opposition] n’est ni compréhensible, ni très justifiée, parce que d’abord la France compte plusieurs centaines de milliers d’emplois vacants dans les secteurs les plus variés.» Il affirme d’autre part qu’il y a un «lien entre la durée d’indemnisation et la motivation pour retrouver un travail». 

L’économiste Gilles Raveaud (situé à gauche) réfute cette argumentation : «La baisse du taux de chômage est une chose TRES différente de la hausse de l’emploi, comme l’apprennent les étudiants d’économie en première année, mais manifestement c’est encore trop compliqué pour [Emmanuel] Macron et ses conseillers.» Les taux de chômage et d’emploi ne sont en effet pas toujours liés. Par exemple, un pays peut avoir un taux de chômage élevé mais avoir un nombre d’emplois vacants tout aussi élevé si ceux-ci sont précaires. Un faible taux de chômage peut aussi induire un nombre important d’emplois vacants si la main d’œuvre est manquante.

Et Le Monde note que l’argumentation du gouvernement «ne s’appuie sur aucune étude sérieuse et détaillée pour démontrer que le nombre d’emplois non pourvus est corrélé au degré de générosité du système d’allocation-chômage». 

Le discours gouvernemental laisse en effet penser que les chômeurs sont avant tout responsables de leur situation et qu’en baissant leurs indemnités, ceux-ci chercheraient et trouveraient plus rapidement un emploi.

Dans un communiqué publié le 21 novembre, le syndicat centriste de la CFDT dénonce également cette modulation des indemnités. Pour l’organisation, elle «n’est pas une solution pour atteindre le plein emploi». «Ce sont les bas salaires, les horaires décalés, les contrats courts, l’accès difficile au transport et au logement qui sont à l’origine des difficultés de recrutement», complète le syndicat.

L’idée du chômeur satisfait de sa situation, un cliché ?

Selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), seuls 36% des chômeurs sont indemnisés. Un chiffre qui chute, résultant «très certainement des différentes séquences de réformes», selon l’un de ses économistes, Bruno Coquet.

L’Unédic (l’organisme qui gère l’assurance-chômage) précise que le montant net moyen de l’allocation perçue par les demandeurs d’emploi est… de 960 euros, quand le seuil de pauvreté est fixé aux alentours de 1 100 euros. Etre chômeur n’est donc pas la panacée, même si la majorité gouvernementale est parfois d’un autre avis. On se souviendra de quelques piques d’Emmanuel Macron durant le précédent quinquennat à l’encontre des plus précaires, notamment le 18 janvier 2019 à Souillac : «Certains ont plus intérêt à travailler quatre à six mois, se remettre au chômage et trouver des combines à côté.»


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L’AFP rappelle que pour être indemnisé, un citoyen doit être inscrit comme demandeur d’emploi, rechercher activement un emploi et remplir certaines conditions. Certains demandeurs d’emploi ne sont donc pas indemnisables. C’est le cas de ceux qui n’ont pas travaillé suffisamment pour ouvrir des droits.

Et parmi ceux qui ont droit à une indemnité de chômage, le ministère du Travail a estimé en octobre 2022 qu’entre 25% et 42% des chômeurs ayant droit à celle-ci ne la demandaient pas. Cela correspond à une fourchette comprise entre 390 000 et 690 000 personnes. L’idée «chômeur = assisté» a visiblement du plomb dans l’aile. Bien qu’ils ne touchent aucune indemnité, certains chômeurs ne seraient donc pas incités à accepter les offres disponibles sur le marché.

Ce qui conduit le journaliste économique de Mediapart Romaric Godin à constater que «l’enjeu de cette nouvelle réforme de l’assurance-chômage n’est […] pas de parvenir au plein emploi, mais bien plutôt de faire accepter aux demandeurs d’emploi les offres existantes, sans s’interroger sur leur contenu, les conditions de travail et les rémunérations».

Vers une plus grande précarité des salariés et des chômeurs ?

Pendant ce temps, le Medef voit dans cette réforme une expression du «bon sens», dont la vertu serait d’amener les chômeurs à accepter les «400 à 500 000 postes ouverts ne trouvant pas preneur». Le chiffre présenté par l’organisation patronale excède néanmoins les statistiques officielles. La Dares (service de la statistique pour le ministère du Travail) évalue à environ 370 000 le nombre d’emplois vacants, correspondant parfois à des postes occupés sur le point d’être libérés.

La CFTC – syndicat appartenant lui aussi à la sphère centriste – alerte quant à elle sur le fait que «sortir les demandeurs d’emploi des chiffres, ce n’est pas résorber le chômage». «Pire, cette réforme pourrait bien précariser les demandeurs d’emploi et, notamment, les séniors les plus éloignés de l’emploi», ajoute-t-elle.

Interrogé par France Bleu, le président national du Mouvement des chômeurs et précaires Pierre-Edouard Magnan l’explique ainsi : «On va contraindre par la menace des personnes à accepter des emplois précaires, c’est-à-dire qu’ils sortiront des chiffres du chômage et le gouvernement pourra plastronner. Mais ils ne sortiront toujours pas de la précarité ni de la pauvreté.» D’ailleurs, désormais, si un demandeur d’emploi refuse à deux reprises en un an un CDI après un CDD ou un contrat d’intérim, il n’aura droit à aucune indemnité.

Une réforme nationale qui peut créer des injustices territoriales ?

D’autre part, Le Monde s’interroge : est-il «équitable de durcir les conditions d’indemnisation à partir de chiffres du chômage nationaux, alors que la capacité et la rapidité à retrouver un emploi dépendent étroitement de la situation spécifique de chaque bassin d’emploi ?»

En clair, selon la réforme, tout chômeur – et son éventuelle famille – se devrait d’être mobile pour retrouver un travail. Peu importe si des territoires sont économiquement effondrés, un chiffre national du chômage au vert montrerait que la situation de l’emploi est bonne, quand bien même il se révèle tiré vers le haut par les zones géographiques les plus dynamiques. 


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«Si le taux de chômage national est de 7,3%, il est bien plus haut dans certains départements : 11,6% dans les Pyrénées-Orientales, 10,6% dans l’Aisne et 10,2% dans l’Aude et l’Hérault», étaye Mediapart. 

Jean-François Foucard, représentant le syndicat des cadres, note qu’il s’agit d’«une réforme purement “adéquationniste” que le gouvernement a menée, et qui n’était en outre pas nécessaire» : «Si on regarde ce qui se passe au niveau européen, les tensions sur l’emploi en France sont tout à fait normales, sauf pour les secteurs de l’hôtellerie-restauration et de la logistique. Mais dans le premier cas, c’est davantage la question des horaires qui fait fuir les salariés, et dans le second, [le fait] que beaucoup de sociétés de transport en Europe recouraient à des chauffeurs ukrainiens aujourd’hui mobilisés dans la guerre opposant leur pays à la Russie.»

Pour l’instant, un seul corps intermédiaire paraît soutenir la réforme mordicus, celui représentant le patronat, le Medef en tête…




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