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Les résultats des législatives britanniques cachent la vérité que le parti travailliste ne veut pas que vous sachiez

Après cinq années de Keir Starmer à la tête du gouvernement travailliste, la route sera dégagée pour les populistes de Nigel Farage.

Par Graham Hryce, journaliste australien et ancien avocat spécialisé dans les médias, ses publications ont été publiées dans The Australian, The Sydney Morning Herald, The Age, The Sunday Mail, The Spectator et Quadrant.

Bon nombre de commentateurs politiques britanniques n’ont pas saisi la véritable signification de la victoire électorale du parti travailliste la semaine dernière.

Certains experts voient dans la majorité record du parti la confirmation que la politique britannique est revenue vers le centre, contrairement à l’évolution vers l’extrême droite, qui a caractérisé la politique dans la plupart des pays européens ces dernières années.

Rien n’est plus faux. Le résultat des primaires pour le parti travailliste était de 9,7 millions de voix, correspondant à un faible pourcentage de 33,8%, qui a à peine augmenté, malgré l’effondrement total du nombre de votes pour les Conservateurs.

L’aspect le plus proéminent des législatives de la semaine dernière a été le transfert de milliers de voix du parti conservateur au parti populiste de Nigel Farage «Reform UK», particulièrement dans les circonscriptions du «mur rouge», que Boris Johnson avait reprises d’un coup de main au parti travailliste lors des élections de 2019.

Le parti Reform UK a reçu quelque 4 millions de voix, soit 14% du total des suffrages exprimés. Le système électoral britannique a toutefois fait que le parti Reform n’a remporté que cinq sièges, incluant, notons-le, celui de Farage lui-même.

Cet important changement de cap a entraîné la destitution de plus de 200 députés conservateurs, y compris d’un ancien premier ministre et de plusieurs membres du Cabinet, et a assuré l’élection massive de candidats travaillistes. Ce qui ne représente toutefois pas «un revirement vers le centre».

Les réformistes préparent le terrain pour 2029

Ce qui s’est passé la semaine dernière avait été prédit, avant les élections, par certains commentateurs conservateurs devenus complètement déçus de leur parti et qui avaient choisi de se rallier aux réformistes.

Matt Goodwin, par exemple, a exhorté les électeurs à s’engager dans un acte de «destruction créative» en votant pour le parti Reform UK, se rendant parfaitement compte que cela résulterait en une victoire écrasante des travaillistes.

De fait, Goodwin a exhorté les électeurs à détruire un parti conservateur qui, selon son point de vue, avait depuis longtemps cessé d’incarner les vraies valeurs conservatrices, afin de dégager le paysage politique pour une victoire des réformistes aux élections de 2029.

Dans cette optique, la victoire de Starmer est juste un prélude politique nécessaire à la création d’un parti populiste britannique capable de gouverner le pays dans les prochaines années.

Quelles que soient les chances que cela se produise, une telle perspective prédit correctement la disparition imminente du parti conservateur dirigé par Rishi Sunak, et reflétait ce qui se passait réellement dans la politique britannique au cours de la dernière décennie.

D’autres commentateurs, y compris les propagandistes de Starmer, et assez étonnement, certains membres de la droite conservatrice comme Peter Hitchens, voient la victoire de Starmer comme celle du «parti de gauche le plus radical dans l’Histoire du Royaume-Uni». Ce point de vue ne peut pas être plus erroné.

Au sens traditionnel du terme, Keir Starmer et le parti travailliste qu’il a réformé à sa guise depuis sa désastreuse défaite électorale de 2019, n’ont rien de «gauche».

Starmer a passé les cinq dernières années à purger durement le parti travailliste des derniers vestiges du radicalisme de gauche de Tony Benn, dont le dernier partisan en date était le malheureux Jeremy Corbyn. Ce n’est pas pour rien que Starmer a abandonné presque tous les éléments du manifeste travailliste qu’il avait si volontiers accepté il n’y a pas si longtemps.

Il est parfaitement clair que le parti travailliste de Starmer gouvernera pour les élites mondiales et non pour la classe ouvrière britannique traditionnelle ou les autres classes sociales qui ont été évincées et délaissées par la mondialisation.

Starmer peut évoquer sans cesse son père «outilleur» dans les interviews, et Angela Rayner peut parler ad infinitum de ses origines pauvres, mais il ne s’agit là que d’une mascarade et d’une propagande des plus grossières. Et cela n’a pas induit en erreur les électeurs de la classe ouvrière dans les circonscriptions du «mur rouge» la semaine dernière : ils ont voté pour Farage, et non pas pour Starmer et Rayner.

Le premier discours de Starmer après l’élection est un guide certain des politiques d’élite que son gouvernement travailliste poursuivra.

Starmer a immédiatement mis un terme au programme désespérément inefficace concernant le Rwanda, laissant ainsi présager en réalité, quoi qu’il puisse dire en public, son engagement en faveur d’une augmentation des flux migratoires, une politique clé de l’élite mondiale. Sunak était également adepte d’augmenter les niveaux d’immigration, en dépit de sa position politique déclarée.

Son commentaire selon lequel «nous avons trop de prisonniers» et sa nomination de James Timpson comme ministre des Prisons sont également révélateurs. Timpson avait officiellement déclaré que deux tiers des détenus dans les prisons britanniques ne devraient pas s’y trouver, et il est connu comme employant d’anciens prisonniers dans sa chaîne de réparation de chaussures.

Pourrait-il y avoir une politique plus élitiste et plus woke que celle qui consiste à libérer des prisonniers en grand nombre ? Les habitants de Londres et d’autres grandes villes britanniques doivent se réjouir à l’idée de l’augmentation du taux de criminalité, qui résultera inévitablement d’une telle politique.

Starmer a également réaffirmé son engagement à soutenir le régime de Zelensky en Ukraine de la manière la plus ferme possible.

Il ne fait aucun doute que le gouvernement travailliste de Starmer poursuivra des politiques élitistes telle que celle-ci, et qu’il aura recours à une réforme constitutionnelle radicale pour y parvenir. Peter Hitchens a, à juste titre, attiré l’attention sur les projets radicaux de Starmer visant à réformer la Chambre des Lords (Chambre haute du parlement), et à renforcer le pouvoir judiciaire déjà idéologiquement engagé.

Tout cela n’a pour but que de gouverner dans l’intérêt des élites mondiale, cela n’a absolument rien à voir avec une véritable politique de gauche.

Starmer, un Premier ministre loin d’être à la hauteur des enjeux ?

Que peut-on donc attendre de la politique britannique sous un gouvernement Starmer dans les cinq prochaines années ?

Tout d’abord, il est certain que le parti conservateur disparaisse en tant que force politique majeure. Les Tories sont profondément divisés et dirigés par des politiciens de seconde zone depuis des décennies et le Brexit a exacerbé ces problèmes à tel point que le parti s’est déchiré une fois que le Brexit a finalement été mis en œuvre, après une bataille interne débilitante menée par Boris Johnson.

Johnson, bien qu’il soit un politicien imparfait à certains égards, fût le seul dirigeant efficace que le Parti conservateur ait eu au cours de la dernière décennie.

Comme Benjamin Disraeli et David Lloyd George, Boris Johnson était en quelque sorte un outsider Tory, un leader charismatique qui avait compris que l’attrait électoral du Parti conservateur pouvait être considérablement élargi en adoptant des politiques plaisant au patriotisme britannique et à la classe ouvrière traditionnelle.

Les politiques «réussir le Brexit» et «niveler par le haut» de Johnson ont permis aux conservateurs de séduire les électeurs travaillistes traditionnels mécontents tout en réduisant efficacement l’attractivité du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP) de Nigel Farage.

Ces idées politiques, associées au leadership charismatique de Johnson et à ses compétences en matière de campagne électorale, lui ont permis de remporter une majorité extraordinaire de 80 sièges aux élections de 2019.

Malgré cette victoire électorale sans précédent, les partisans du maintien dans l’UE, et d’autres membres au sein du parti conservateur (Johnson n’a jamais eu le soutien d’une large majorité de députés) se sont associés, en l’espace de trois ans, aux élites mondiales, aux principaux médias woke britanniques, à la Cour suprême, et à un tas d’hommes politiques de seconde zone de tous bords politiques pour détruire impitoyablement la carrière politique de Johnson.

Il a été finalement achevé par une populace narcissique et vengeresse indignée stupidement et à tort par l’affaire du «partygate».

Une fois Johnson destitué, le sort du parti conservateur profondément scindé, dirigé par les chefs de file incompétents tels que Liz Truss et Rishi Sunak, fut scellé. En réalité, l’effondrement du vote tory de la semaine dernière était bien mérité, et Truss, en particulier, méritait de perdre son siège.

Il suffit d’observer les querelles malséantes de cette semaine entre la demi-douzaine des candidats à la gouvernance du parti tory, dont des sommités telles que Robert Jennick et James Cleverly, pour s’assurer que le parti conservateur n’a pas d’avenir viable, peu importe qui sera finalement choisi pour le diriger.

Quel est le sort probable du gouvernement travailliste de Starmer ?

Comme tous les gouvernements mainstream des pays occidentaux représentant les intérêts des élites mondiales, le gouvernement de Starmer sera incapable de remédier aux problèmes fondamentaux auxquels le Royaume-Uni est confronté, car il dédaigne introduire les réformes économiques et sociales véritablement radicales nécessaires pour mener cela à bien.

Le gouvernement de Starmer sera incapable de réanimer l’économie britannique souffrante. Il ne fera rien pour résoudre la crise du coût de la vie ou pour réduire les prix de l’énergie, et ne sera pas en mesure d’inverser le déclin du système de sécurité social (NHS) ni d’améliorer la prestation des services publics. Il continuera à soutenir les guerres par procuration des États-Unis avec toutes les conséquences internes néfastes découlant d’une politique étrangère aussi malavisée. Et son ferme engagement envers des stratégies woke ne fera qu’intensifier les guerres culturelles, qui ont si profondément scindé la société britannique au cours des dernières décennies.

Il s’ensuit que l’électorat britannique sera assez vite désenchanté par Starmer et son gouvernement. Son destin sera le même que celui des administrations Biden, Macron et Scholz.

Farage face à l’obstacle du scrutin majoritaire

Le Parti de la réforme sera probablement le bénéficiaire principal de cette désillusion, mais reste à savoir s’il saura en tirer profit.

Les partis populistes ne sont pas réputés pour tenir leurs promesses, et le système électoral britannique à scrutin majoritaire rend quasi impossible pour les petits partis de remporter un grand nombre de sièges.

Farage avait lui-même hésité à revenir à la tête du parti réformiste et à participer à la course électorale. Et passer cinq ans dans l’opposition comme chef de parti qui ne compte que cinq députés, c’est long.

Le système électoral français est beaucoup plus favorable aux partis d’extrême droite contrairement au système britannique, et aux États-Unis, Donald Trump a dû prendre le contrôle du parti républicain pour qu’il devienne une force politique efficace. Dans les années 1990, Trump avait compris qu’il ne pourrait pas remporter la présidence en tant que candidat d’un parti tiers.

Si Farage veut devenir un dirigeant politique important, il devrait peut-être prendre ce qui reste du parti conservateur après les élections de la semaine dernière.

Plutôt que d’amener un «revirement vers le centre» ou d’inaugurer un «gouvernement de gauche radicale», la victoire de Keir Starmer est en réalité beaucoup plus susceptible d’assurer que la politique britannique continuera de marcher de travers, de manière chaotique et dysfonctionnelle, comme elle le fait depuis ces dix dernières années.

Cela paraît être le maximum que les électeurs des démocraties occidentales peuvent espérer de nos jours.

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