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Nucléaire : les États-Unis s’inquiètent de leur dépendance croissante à l’uranium enrichi russe

Alors que l'agence RIA Novosti a chiffré un triplement des importations américaines d'uranium enrichi russe en octobre, Washington s'alarme d'une dépendance vis-à-vis de Moscou et veut s'en affranchir : la semaine prochaine le Congrès prévoit même le vote d'une loi visant à terme la fin de ces importations.


Rosatom prévoit un chiffre d’affaires record en 2023

«L’objectif de la Russie est d’améliorer le niveau de vie des Russes, pas de faire baisser celui des Américains», a estimé le 8 décembre le député Igor Ananskikh, au micro de Lenta.ru. Pour le vice-président de la commission de l’énergie de la Douma, la Russie n’utilisera pas ses exportations d’uranium enrichi à des fins de chantage avec Washington.

Il réagissait à une enquête de RIA Novosti le 7 décembre, selon laquelle les États-Unis auraient triplé leurs importations d’uranium russe au mois d’octobre. Celles-ci auraient atteint 43,25 tonnes pour un montant de 62,8 millions de dollars. C’est le volume le plus élevé depuis le mois de juin. 

Lors du premier semestre 2023, les importations américaines d’uranium russe ont atteint 416 tonnes, soit 2,2 fois plus que durant la même période en 2022. Toujours selon la même source, cela aurait rapporté à la Russie 696,5 millions de dollars, soit la somme la plus élevée depuis 2005.

1 milliard de dollars selon le New-York Times

«À l’heure actuelle, les entreprises américaines versent environ 1 milliard de dollars par an à Rosatom, pour se procurer le combustible grâce auquel les États-Unis produisent plus de la moitié de leur électricité décarbonée», chiffrait quant à lui The New York Times en juin 2023. Une situation particulièrement gênante pour Washington qui a voulu faire montre de fermeté face au conflit en Ukraine, multipliant les sanctions contre Moscou.

Les déclarations d’un membre de la Douma ne suffiront probablement pas à apaiser les craintes américaines. En effet, voilà plusieurs mois que les politiques et médias d’outre Atlantique tirent la sonnette d’alarme.

Le 25 octobre, la Maison Blanche a appelé le Congrès à «soutenir les besoins domestiques essentiels», parmi lesquels «financer notre sécurité chez nous» et en particulier «renforcer notre sécurité énergétique». Celle-ci passe par «l’augmentation des capacités domestiques d’enrichissement d’uranium». L’administration Biden-Harris définissait cette mesure comme une «priorité nationale». 

Washington peine à s’extraire de cette dépendance

«Si nous ne faisons rien», poursuit le communiqué, «la Russie maintiendra son emprise sur le marché global au détriment des États-Unis et de leurs alliés». Il précise que, pour être couronnée de succès, cette initiative doit s’accompagner d’une interdiction durable des importations de combustible russe. A cet effet, la Maison Blanche sollicitait un budget de 2,2 milliards de dollars. A l’heure actuelle, un accord n’a pas encore été trouvé sur ce financement.

Dès mars 2022 après le déclenchement du conflit en Ukraine, des sénateurs républicains avaient rédigé un projet de loi ayant pour objet l’interdiction de l’uranium russe. Pour autant, ni ce combustible ni Rosatom n’ont fait partie des produits ou des entités liés au secteur de l’énergie qui étaient visés dans la liste de sanctions du 8 mars 2022, suggérant qu’une émancipation des importations russes n’était alors tout simplement pas envisageable.

«Un quart des ressources nucléaires nécessaires pour alimenter les centrales américaines provient de Rosatom» s’alarmait Newsweek en mai 2023. La journaliste citait Steven Nesbit, l’ancien président de la Société nucléaire américaine, qui qualifiait Rosatom de «fournisseur agressif de combustible nucléaire qui détient une part significative du marché mondial».

La dépendance russe de Washington, une vieille histoire

L’achat massif de combustible à des fournisseurs étrangers date des années 1980. Les gouvernants américains ont décidé à cette époque d’arrêter la production d’uranium enrichi, préférant l’importer. En 1993, Washington et Moscou ont conclu le «grand accord sur l’uranium» : en application du programme «Mégatonnes contre mégawatts», la Russie s’était engagée pour vingt ans à retirer de ses arsenaux 500 tonnes d’uranium à usage militaire, et les États-Unis à le lui racheter. Pendant toute cette période l’industrie nucléaire américaine n’a pas été modernisée, nécessitant par la suite de poursuivre la politique d’importation de combustible.

Selon l’agence d’information de l’énergie américaine (EIA), il y avait en 2023 aux États-Unis, 54 centrales nucléaires et 93 réacteurs en fonctionnement, ce qui en fait le plus grand parc nucléaire au monde. Pour l’heure, les débats ont vocation à se poursuivre au Congrès : une loi d’interdiction de l’uranium russe (Prohibiting Russian Uranium Imports Act), présentée par la représentante républicaine de l’État de Washington à la Chambre des représentants Cathy McMorris Rodgers, sera examinée au cours de la semaine du 11 décembre. 




Face à la domination russe de l’uranium enrichi, l’Occident peine à sortir de sa dépendance


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