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«On est bloqué» : les étudiants du Burkina Faso, du Mali et du Niger voient leurs cursus à Paris compromis

Les étudiants du Burkina Faso, du Mali et du Niger qui devaient poursuivre leurs études en France subissent le divorce entre Paris et les pays du Sahel.


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Sa valise attend toujours posée contre le mur de la chambre. « Elle devait me suivre à l’aéroport, malheureusement elle est toujours là », rigole Ophélie Ouédraogo, étudiante burkinabè coincée à Ouagadougou.

Inscrite en première année de médecine à Montpellier (sud de la France), elle aurait dû prendre l’avion ces jours-ci. Comme de nombreux étudiants du Burkina Faso, du Mali et du Niger, elle a vu ses plans bouleversés par la crise entre Paris et les juntes qui ont pris le pouvoir dans ces trois pays autrefois proches de la France.

La France a suspendu la délivrance de visas à Ouagadougou, Bamako et Niamey en invoquant des raisons de sécurité. Les étudiants prennent avec incompréhension, amertume ou résignation une remise en cause qui touche à leurs projets de vie.

Ophélie Ouédraogo n’a d’autre choix que de suivre ses cours en ligne dans sa chambre. «On ne contrôle pas la situation, donc on est bloqué ici et, tant bien que mal, on essaye de positiver, même si c’est compliqué».

Sa situation illustre l’impact de la dégradation accélérée des relations entre ces pays et l’ancienne puissance coloniale, avec laquelle les liens humains restent pourtant étroits. 

Ces trois dernières années, des officiers ont pris par la force la tête de pays confrontés au jihadisme et plongés dans de profondes crises, et ont désigné aux opinions publiques l’allié historique français comme le responsable de leurs maux.

Forcée de faire rentrer ses soldats, ses ambassadeurs et une partie du personnel diplomatique, confrontée aux manifestations hostiles et aux attaques contre ses représentations, la France a étendu en août le classement en «zone rouge» aux capitales, derniers îlots où elle ne déconseillait pas formellement de se rendre.

La suspension de la délivrance de visas par les consulats sur place est l’un des aspects de ce que la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna a appelé le «fonctionnement en format réduit de nos ambassades». 

Elle affecte les étudiants, mais aussi les chercheurs ou les artistes. Le monde culturel s’est récrié en France quand la nouvelle de la suspension a été connue pour les artistes. Le gouvernement français a été accusé de représailles aux dépens de la culture.

La francophonie en jeu

Les étudiants ont moins fait parler. Aucun chiffre n’a été obtenu des rectorats français ou sahéliens quant au nombre qui serait affecté au total. Ils seraient 380 rien qu’au Niger, selon le Conseil des nigériens de France (CONIF). L’an passé, ils étaient quelque 3 000 étudiants maliens, 2 500 burkinabè et 1 200 nigériens en France, selon Campus France, l’agence française de promotion à l’étranger de l’enseignement supérieur français. 

Colonna a souligné que la suspension ne concernait pas les étudiants (ou les artistes) déjà en France, dont plusieurs centaines touchent des bourses françaises. C’est une minorité, donc, des 92 000 étudiants subsahariens inscrits dans les universités françaises en 2021-2022, et dont le nombre augmente depuis 2017. Mais un certain nombre ont l’impression d’une punition collective.

«C’est un espoir qu’on nous a fait miroiter, et en un coup d’oeil, c’est tombé à l’eau », déplore Hassane Doulaye Abdoul-Kassoum, doctorant en géographie à l’université Abdou Moumouni de Niamey, dont les ramures des arbres font une espèce de sanctuaire loin des tensions entre chancelleries.

«Nos autorités n’ont pas dénoncé les accords scientifiques, c’est les accords militaires qu’ils ont dénoncés. Je ne vois pas pourquoi les autorités françaises ont coupé tout lien sans exception», s’interroge l’étudiant qui avait bénéficié d’une bourse de six mois pour achever sa thèse sur le pastoralisme à Angers (ouest).

«On contribue au rayonnement de la francophonie, on parle français et on parlera français, nos références sont en français. Délaisser cela risque de radicaliser les discours, et de laisser une autre image de la France», plaide Aboubakar Lalo, président du CONIF.

Impossible de demander un visa dans un pays voisin

Devant les protestations, les autorités françaises ont invoqué la sécurité des agents dans les pays en question, et assuré que la réduction de la présence sur le terrain rendait compliquée la délivrance des visas. Elles se sont défendues de toute instrumentalisation. «Les artistes, les chercheurs et les étudiants de ces pays sont toujours les bienvenus en France, dans nos institutions culturelles comme dans nos universités, et contrairement à ce que l’on a pu lire ici et là, il n’a jamais été question qu’il en soit autrement», a déclaré Catherine Colonna.

«Beaucoup d’étudiants ne croyaient pas que la France puisse agir de la sorte. Ils auraient dû avoir une hauteur d’esprit pour au moins leur permettre d’aller chercher un visa dans des pays voisins», avance Aboubakar Lalo, du CONIF. Impossible, répondent les autorités françaises: un consulat ne peut accepter de demande que d’un citoyen résidant légalement dans le pays où se trouve ce consulat. Elles ont laissé entrevoir une réévaluation de la situation en fonction de l’évolution sécuritaire.

Les étudiants ont peu d’espoir que la situation se débloque, la rentrée ayant déjà eu lieu. «Ce n’est pas parce que cet incident est intervenu que je dois fléchir sur mon programme. Je suis appelé à finir la thèse, qu’il y ait mobilité ou pas», dit Baharou Sarimou Abdoulahi, doctorant en sociologie à l’université Abdou Moumouni, qui devait achever sa thèse à l’Institut des mondes africains à Paris.

Il note que des scientifiques français peuvent aussi être empêchés de venir au Niger pour leurs travaux. «Donc je pense que les conséquences, c’est des deux côtés».

 




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