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Porosité avec les renseignements et choix politiques : Twitter et les élections américaines de 2020

En amont de l'élection présidentielle américaine de 2020, Twitter a déployé nombre d'outils lui permettant de contenir la portée de certaines publications. Le journaliste américain Matt Taibbi a publié à une nouvelle salve de révélations à ce sujet.

Dans la foulée des récentes révélations sur le fonctionnement de Twitter avant sa reprise par Elon Musk, le journaliste américain Matt Taibbi a publié le 9 décembre une longue série de tweets dans laquelle sont révélés des échanges en interne entre des hauts décisionnaires de l’entreprise durant la période des dernières élections américaines.

Les extraits de plusieurs conversations mettent ainsi la lumière sur les choix politiques de certains de ces hauts responsables de la firme californienne, visiblement déterminés à contenir l’influence du président républicain sortant, Donald Trump. Pour rappel, celui-ci a été banni de Twitter en janvier 2021 (dans la foulée des événements du Capitole), avant que son compte ne soit finalement réactivé fin 2022 sur la plateforme, désormais détenue par Elon Musk.

Comme entend le démontrer Matt Taibbi, la suppression du compte du 45e président des Etats-Unis aurait été entérinée à l’issue d’«une érosion des normes au sein de l’entreprise pendant les mois qui ont précédé le 6 [janvier]». Dans son dernier fil de révélations, le journaliste pointe en effet une succession de «décisions de cadres supérieurs qui ont violé leurs propres politiques» dans le cadre d’«une interaction continue avec des agences fédérales».

Je ne suis pas sûr que nous devrions décrire le FBI et le DHS comme des experts

Concernant la collaboration entre Twitter et les renseignements américains censés aider le réseau social à lutter contre les fausses informations, on voit notamment comment, fin 2020, Nick Pickles, haut responsable de la stratégie de l’oiseau bleu, réfléchit à la façon de qualifier publiquement les liens qu’entretient son entreprise avec le FBI et le DHS (le département américain de la Sécurité intérieure, créé en 2001 sous l’administration de George W. Bush). S’adressant à l’un de ses collègues, Nick Pickles s’interroge par exemple sur l’utilisation du terme «partenariats», avant de faire cette remarque : «Je ne suis pas sûr que nous devrions décrire le FBI et le DHS comme des experts.»

Outre la porosité ici pointée entre des agences fédérales et le réseau social, ce dernier semble avoir évolué sous l’emprise des considérations politiques de plusieurs hauts responsables, dont les décisions ont parfois conduit à biaiser la stricte application des règles de bonne conduite développées par la plateforme.

Frapper fort

Des échanges ayant eu lieu dans certaines boucles de discussion aujourd’hui révélées par Matt Taibbi montrent par exemple comment des hauts décisionnaires de Twitter ont décidé de nuire à certains comptes indignés de la censure progressive appliquée à Donald Trump. Il a ainsi été décidé de «frapper fort» le compte officiel de l’acteur américain James Woods soutien de Donald Trump, après une de ses publications dans laquelle il dénonçait le label appliqué par le réseau social à un tweet de l’ex-président républicain.

D’autres échanges montrent que les hauts responsables en question ont cependant été plus précautionneux pour d’autres comptes afin de ne pas obtenir d’effets contre-productifs. «Nous avons déjà provoqué assez d’ours», peut-on par exemple lire lors d’un débat sur la censure à appliquer, ou non, à une publication satirique. Discussion au cours de laquelle d’aucuns estiment que la «modération» sur l’humour devrait s’appliquer dès lors qu’une blague pourrait entraîner «une confusion»… 

Une intervention douce

«Je pense que je pencherais plutôt pour une intervention douce», tranche encore le responsable Yoel Roth au sujet d’un tweet d’octobre 2020 de l’élu républicain Jody Hice, dans lequel il exprimait sa volonté de s’opposer à la censure dans l’industrie des technologies de l’information. «Je pense qu’aller trop loin dans le tunnel de l’étiquetage des discours critiques est dangereux, cela devient un cycle auto-renforcé de “wah la censure”», écrit également le haut décisionnaire de Twitter.

Matt Taibbi relève que, simultanément aux efforts déployés par Twitter contre ce que l’entreprise qualifiait de fausses informations portant sur un présumé trucage de l’élection présidentielle qui serait favorable au camp démocrate (une thèse notamment défendue par le président sortant), le réseau social s’est montré autrement plus indulgent face aux publications avançant la thèse inverse, à savoir la dénonciation d’une prétendue tentative de trucage des élections de la part de Donald Trump.

Comme le démontre le journaliste américain, des tweets à ce sujet ont été approuvés par les cadres supérieurs de la plateforme qui ont ici jugé que les internautes exprimaient simplement «leur inquiétude quant au fait que les bulletins de vote par la poste pourraient ne pas arriver à temps».

De la création de robots permettant une censure automatique de publications à la mise en place d’outils nuisant à la visibilité de certains comptes, Matt Taibbi a publié près de 70 tweets dans cette nouvelle salve de révélations sur les dessous de la politique de modération amorcée ces dernières années par Twitter.

«L’important est que [ces révélations] montrent que Twitter, en 2020 au moins, déployait une vaste gamme d’outils visibles et invisibles pour freiner l’engagement de Trump, bien avant le 6 janvier. L’interdiction viendra après l’épuisement des autres voies», note le journaliste américain qui a d’ores et déjà annoncé l’arrivée imminente d’autres révélations.




Nouvelles révélations sur les mécanismes de censure utilisés ces dernières années par Twitter


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