Chroniques

Pourquoi Israël est la seule entité contre laquelle on ne peut pas protester dans les universités occidentales

La répression des manifestations pro-palestiniennes sur les campus, aux États-Unis mais aussi en France, ne peut qu’inciter les étudiants à détester l’establishment, souligne Rachel Marsden.

Cet article a été initialement publié sur RT International par Rachel Marsden, chroniqueuse et commentatrice dans des émissions-débats indépendantes en français et en anglais.

Le monde étudiant américain ne semblait pas tellement enclin à protester lorsque l’État a ouvert la voie à des politiques vertes autoritaires sous le prétexte fallacieux de réduire la température de la planète. Ou quand on a interdit à des orateurs de droite de s’exprimer sur les campus. Ou quand tout le monde était obligé de respecter leur « révolution » au sujet de l’utilisation des pronoms personnels. Ou lorsque des étudiants non vaccinés ont été interdits de fréquenter les campus pendant le fiasco du Covid-19. Mais maintenant que l’establishment occidental, de l’Amérique du Nord à l’Europe, sévit contre les manifestants sur les campus qui dénoncent les bombardements israéliens incessants sur les civils de Gaza, ils se demandent soudainement où sont passés tous leurs droits.

Si ceux qui sont maintenant en colère contre les répressions sur les campus avaient pris la peine d’aider à élargir la fenêtre d’Overton, c’est-à-dire l’éventail de discours et de débats acceptables, à l’époque où d’autres avec lesquels ils étaient en désaccord essayaient de l’ouvrir aussi largement que possible, ils récolteraient aujourd’hui les fruits d’une véritable liberté d’expression. Au lieu de cela, l’establishment a joui d’une culture d’impunité, permise par la foule woke et ses demandes constantes d’espaces sûrs. Et maintenant, le gouvernement et les universités ont décidé unilatéralement que c’est Israël qui a besoin d’un espace sûr et d’une protection contre les étudiants.


États-Unis : le Congrès examine un projet de loi visant les manifestations propalestiniennes

À cette fin, le Congrès américain vient d’adopter un nouveau projet de loi élargissant la définition de l’antisémitisme sur les campus universitaires pour y inclure « les attaques contre l’État d’Israël, considéré comme une communauté juive ». Qu’en est-il d’une autre loi interdisant de critiquer l’Iran parce qu’il s’agit d’une communauté musulmane ? Ou de la Russie parce que c’est une communauté de chrétiens orthodoxes ? Ou de la Chine parce que c’est une communauté bouddhiste ? On ne pourrait pas l’accepter, car cela permettrait à l’État en question d’avoir carte blanche pour faire taire les critiques en toute impunité.

Les autorités israéliennes moins répressives que l’administration Biden ?

Non seulement l’establishment utilise la force pour réprimer les manifestants, mais il adopte désormais officiellement des lois contre la dissidence, même si 55% des Américains dénoncent les actions d’Israël à Gaza, selon un sondage Gallup de mars. Même les responsables israéliens ne vont pas jusqu’à réprimer la dissidence lorsque, il y a quelques jours à peine, des milliers d’Israéliens se sont rassemblés à travers le pays pour protester contre le traitement de la crise par le gouvernement, et plaider en faveur d’un cessez-le-feu. Sont-ils donc aussi une bande d’antisémites ?

La constante reductio ad absurdum par l’establishment occidental, qui confond l’activisme pro-cessez-le-feu et anti-génocide avec l’antisémitisme, est exactement ce que les responsables font depuis des années pour faire avancer leur agenda. Vous n’aimez pas dépenser de l’argent pour l’Ukraine ? Alors, vous agissez sur les instructions du Kremlin. Êtes-vous contre les taxes sur le carbone ? Vous niez la science. N’avez-vous pas cru au discours en constante évolution sur le Covid ? Vous êtes une menace pour la société.


États-Unis : l’université de Columbia a lancé un ultimatum aux étudiants propalestiniens

Alors que l’establishment américain prétend être choqué par le concept novateur d’étudiants d’université protestant activement contre l’injustice, une grande partie de l’attention en Europe s’est concentrée sur un campus particulier, celui de Sciences Po, où j’ai donné cours à des étudiants en Master pendant sept ans. En gros, c’est l’équivalent français de Harvard.

D’abord, les étudiants ont affronté la police anti-émeute et refusé de bouger lorsque les autorités ont menacé à plusieurs reprises de recourir à la force si les étudiants ne partaient pas, alors qu’ils bloquaient le campus par un sit-in pour exiger un cessez-le-feu à Gaza. Certains étudiants ont fini par faire l’objet de procédures disciplinaires. Les manifestants ont également demandé que l’université coupe tous ses liens avec les entités associées à l’État d’Israël, ce que l’administration de l’université a refusé de faire. Il n’y a pas eu de soulèvement contre la Russie au sujet du conflit en Ukraine, et pourtant ces mêmes universités, y compris Sciences Po, n’ont pas hésité à couper leurs liens avec les universités russes. Alors, pourquoi pas avec Israël ? Parce que ce n’est tout simplement pas la position de l’establishment, contrairement au cas de la Russie. Les nobles valeurs de ces institutions, « d’universalité, d’humanité et de tolérance », comme l’a indiqué le directeur de Sciences Po Strasbourg, sont apparemment appliquées de manière sélective. La même chose semble aujourd’hui se passer avec la liberté d’expression sur les campus.  

La France n’est pas en reste 

Même lorsque Sciences Po a renoncé à prendre des mesures disciplinaires à l’encontre des étudiants manifestants, si ceux-ci acceptaient de participer à un débat formel sur le campus pour faire entendre les plaintes de toutes les parties, au moins un membre de l’establishment centre-droit, le vice-président du parti de l’ancien président Nicolas Sarkozy, Les Républicains, s’est montré furieux à l’idée même de cette éventualité. « Nous ne pouvons pas financer une école qui est devenue le lieu de l’entrisme, un mélange de gauchisme et d’islamisme qui légitime les propos antisémites et les actes de violence », a déclaré François-Xavier Bellamy. Sa collègue au sein du parti Les Républicains Valérie Pécresse, la présidente de la région Île-de-France, a suspendu son financement à l’université.  

Le résultat de cette censure de l’establishment a été la création d’un espace sûr qui protège de toute critique la rhétorique et les idées de l’establishment. Il s’agit ici de l’université la plus réputée, où sont formées les futures élites politiques françaises. On pourrait donc croire que ce serait une bonne idée que les étudiants soient aguerris dans l’arène des débats et des conflits politiques. Or, ces élites molles veulent que l’école protège leur récit au détriment de la diversité la plus importante, celle de la pensée critique.  

Même le président français Emmanuel Macron a récemment fait écho aux préoccupations des étudiants en dénonçant les actions d’Israël. « Profonde indignation face aux images qui nous parviennent de Gaza où des civils ont été pris pour cible par les soldats israéliens », a déclaré Macron sur X (anciennement Twitter). « J’exprime ma plus ferme désapprobation face à ces tirs et exige la vérité, la justice et le respect du droit international. »

Plus tôt cette année, Macron a affirmé qu’une solution à deux États reconnaissant un État palestinien n’était pas un tabou pour la France, bien qu’il n’ait pas encore pris de mesures concrètes à cet égard. Sciences Po n’est pas le seul campus français à susciter la controverse sur cette question. Cette semaine, les policiers ont dispersé un campement pro-palestinien à l’université Paris-Sorbonne. Pourquoi ne pouvaient-ils pas simplement prétendre qu’ils étaient un des camps de migrants situés le long de la Seine et infestant d’autres quartiers de la ville depuis des années ? Il est presque certain que ces migrants ne sont pas non plus de grands admirateurs d’Israël. Pourquoi donc peuvent-ils rester et bloquer la ville ?

Quand la conférence à l’université de Lille organisée par Jean-Luc Mélenchon, président du parti de gauche La France insoumise, a été annulée le mois dernier, il a comparé le président de l’université au nazi Adolf Eichmann qui avait affirmé qu’il ne faisait qu’obéir à desordres. La ministre française de l’Éducation nationale a déclaré qu’elle porterait plainte en soutien au président de l’université, et au nom du gouvernement. Une manière de donner tort à Mélenchon et de dissiper toute notion d’État autoritaire dans sa référence à Eichmann.  

L’establishment occidental soutient la liberté d’expression et les valeurs démocratiques tant que vous vous trouvez du même côté que ceux qui sont au pouvoir de les redéfinir à tout moment, pour qu’elles correspondent à leur agenda sur n’importe quelle question. La véritable révolution aura lieu lorsque ce ne sera plus le cas. D’ici là, les événements comme le chaos qui règne actuellement sur les campus ne feront que donner un aperçu de cette réalité hypocrite, alors que la façade de la liberté est temporairement en train de se fissurer.  




Soutien à Gaza: le mouvement étudiant propalestinien s’étend aux universités suisses


Source

Leave a Reply

Your email address will not be published.

Back to top button