Chroniques

San Francisco résout son principal problème, non pour les Américains, mais pour Xi Jinping

Les sans-abris ont soudainement disparu des rues de la ville dorée à la veille d’un grand sommet international.

Cet article a été initialement publié sur RT en langue anglaise par Robert Bridge.

Cette semaine, les habitants de la quatrième métropole californienne ont été surpris de voir les rues de leur ville natale débarrassées des campements des sans-abris, des drogués, des proxénètes et des dealers. Une révolution politique s’est-elle produite alors qu’ils dormaient ou bien y a-t-il autre chose en jeu?

Alors que les résidents de San Francisco commençaient à s’habituer à la puanteur de l’urine humaine le matin, les nettoyeurs de rue ont bouleversé cette situation. Serait-ce un signe que les impôts extravagants des contribuables sont enfin utilisés à bon escient? On peut rêver. Le fait est que cette ville des démocrates accueille du 14 au 16 novembre le forum de l’APEC (Coopération économique pour l’Asie-Pacifique) et a fait de grands progrès pour dissimuler, aux yeux du monde, son côté sordide. Pourtant, ce vieux truc n’est pas né d’aujourd’hui.

Potemkine à San Francisco

En 1787, alors que la Russie était sur le point d’entamer une guerre avec l’Empire ottoman, l’impératrice russe Catherine II, accompagnée de plusieurs ambassadeurs étrangers, a effectué un long déplacement en Nouvelle-Russie. L’objectif principal du voyage était d’impressionner les alliés russes avant le début des hostilités. Pour ce faire, l’histoire nous raconte que le chef militaire et homme d’État russe Grigori Potemkine avait construit «des villages mobiles» le long des rives du fleuve Dniepr. Lorsque le navire transportant l’impératrice et sa cour apparaissait, les hommes de Potemkine peuplaient le village improvisé, se faisant passer pour des paysans heureux et bien nourris. Après le passage du bateau, le village était rapidement démonté et reconstruit en aval, d’où le terme de «village Potemkine».

Il faut dire que cette histoire est largement considérée comme fictive de nos jours. Potemkine a vraisemblablement essayé de rendre le paysage rural dévasté plus présentable, mais la question de savoir jusqu’où il est allé reste controversée. Ces nombreux détracteurs à la cour l’ont accusé d’avoir essayé de tromper l’impératrice et les ambassadeurs, plutôt que de vouloir embellir le paysage ou faire la promotion de la reconstruction d’après-guerre en cours.

La tâche de San Francisco est un peu plus ardue que celle de la Russie impériale. Si de nombreux marginaux de la ville ont été envoyés avec leurs bagages dans des régions éloignées de l’empire américain, afin que personne ne s’aperçoive de la pauvreté du navire de l’Etat, l’Oncle Sam reste toutefois confronté au problème de toutes ces vitrines vides. Imaginez-vous l’embarras qu’éprouverait le président chinois Xi Jinping, invité principal au sommet, s’il demandait à son cortège de s’arrêter pour manger dans un fast-food d’Union Square, cet important centre commercial au cœur du centre-ville de San Francisco. Xi découvrirait alors, s’il n’avait pas encore appris la nouvelle, que de nombreuses célèbres chaînes commerciales ont tout simplement disparu.

Les perspectives pour les entreprises de l’autrefois célèbre «City by the Bay» ne sont guère réjouissantes, en grande partie à cause de la criminalité galopante, un phénomène urbain dont les dirigeants démocrates semblent s’accommoder. En août dernier, le ministère de la Santé et des Services sociaux a recommandé à ses centaines d’employés fédéraux à San Francisco de travailler à domicile «dans un avenir prévisible», pour des raisons de sécurité.

«Au vu des conditions qui règnent dans le bâtiment fédéral, nous recommandons aux employés de maximiser le télétravail dans un avenir prévisible», indiquait la note adressée aux employés.

Ce qui met d’autant plus dans l’embarras le Parti démocrate qui contrôle largement San Francisco, ainsi que la majorité des biens immobiliers de premier ordre en Californie, c’est que l’immeuble des bureaux en question est officiellement intitulé «Speaker Nancy Pelosi Federal Building» (Bâtiment fédéral Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants).

Tout cela se traduit par un exode en masse de la légendaire «City on the Bay» de San-Francisco qui a perdu 65 000 personnes, soit près de 7% de sa population, entre juillet 2020 et juillet 2022.

Une ville ravagée par les drogues

On pourrait en dire autant des milliers de sans-abri, dont beaucoup sont dépendants à diverses drogues très addictives, comme la méthamphétamine, l’héroïne ou d’autres opioïdes. Eux aussi ont été temporairement exilés des rues de San Francisco. Il ne faudrait surtout pas qu’un dirigeant mondial (Joe Biden ?) tombe accidentellement dans une apocalypse zombie. D’où la question : pourquoi l’Américain lambda se voit-il contraint de tolérer quotidiennement des conditions aussi déplorables, alors qu’une façade factice est créée une fois tous les deux ans, lorsque la ville s’apprête à accueillir un événement international ?

Au milieu de la désolation à San Francisco, de quoi le président américain Joe Biden et son homologue Xi Jinping parleront-ils lors de leur tête-à-tête prévu en marge du sommet de l’APEC ? Si l’on peut s’attendre à ce que le dirigeant démocrate américain aborde les sujets de discussion habituels, comme le changement climatique, la guerre éternelle et la promotion de la «démocratie» à l’autre bout du monde, Xi jouera peut-être le rôle de l’invité malpoli et mettra Biden sur la sellette en lui demandant ce qui est advenu de l’ancienne belle «City on the Bay» qu’est San Francisco. Oui, on peut rêver.




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