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Troupes occidentales en Ukraine : Macron coincé dans sa propre impasse stratégique

Karine Bechet-Golovko dénonce l'engrenage dans lequel s'est engagé Emmanuel Macron : si Kiev tombe, la guerre devra continuer, quitte à y sacrifier les Européens.


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Les pays de l’Axe atlantiste ne peuvent se permettre une défaite sur le front ukrainien. Mais que faire, si objectivement l’armée ukrainienne est une armée fantôme, si elle a été décimée ? Alors le combat doit continuer. Macron l’affirmait encore le 2 mai dernier : si Kiev le demande, eh bien, il faudra y aller nous-mêmes. En tout cas y envoyer les Européens. Défendre les intérêts atlantistes globaux. Moscou prévient de l’extrême dangerosité de tels propos.

La disparition physique, dans le sens humain, de l’armée ukrainienne n’est plus catégorisée sous la rubrique «propagande russe», comme il y a encore peu de cela. Le NYT l’affirme lui-même : «Deux ans après le début de la guerre en Ukraine, les familles, les avocats et les groupes de défense des droits affirment que l’armée ukrainienne est tout simplement surchargée de victimes et incapable de rendre compte des milliers de morts.» Le verdict est sans appel.

Or, dans le même temps, les responsables atlantistes, qu’il s’agisse de ceux de l’OTAN ou de l’UE, le répètent en chœur : la Russie ne peut pas gagner cette guerre. C’est d’ailleurs le message envoyé par Stoltenberg lors de sa visite à Kiev, qui en profite pour annoncer le renforcement du rôle de l’OTAN. Et ce sont ensuite exactement les termes employés par Macron – «La Russie ne peut et ne doit pas gagner cette guerre». L’enjeu est reconnu : une défaite en Ukraine risquerait d’entraîner une défaite de ce monde globaliste atlantico-centré. Le combat est donc existentiel.

Mais que faire, face à l’épuisement de l’armée ukrainienne ? Car, rappelons-nous, qu’au départ, ce conflit était présenté comme un combat de la petite Ukraine, parfaitement indépendante, c’est-à-dire sous tutelle atlantiste, contre la méchante Russie. Dans cette rhétorique, il était fondamental d’insister sur le fait que ce sont des Ukrainiens qui se battent contre des Russes, sinon de quelle défense du territoire pourrait-il s’agir. On a gommé le Maïdan et les ministres étrangers sous Yatséniouk, on a oublié les programmes de l’OTAN en Ukraine, on ne parle pas des 14 bases de la CIA en Ukraine, et tant que l’on n’en parle pas, il y a des chances que tout cela n’existe pas pour l’opinion publique.


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Or, la stratégie d’une guerre par proxy contre la Russie atteint ses limites. On connaît déjà la présence de «mercenaires» ou de «volontaires» de pays de l’OTAN, c’est-à-dire de militaires «déshabillés» pour l’occasion. Et ils sont actuellement de plus en plus présents dans les zones de combats, si l’on en croit Igor Kastioukevich, sénateur de la région de Kherson cité par RIA Novosti. Des correspondants de guerre affirment que dans la bataille de Tchassov Iar, l’on trouve des «volontaires» allemands et français. Et d’une manière générale, il ne s’agit plus selon Boris Rhozin des mercenaires de la première heure, simplement venus pour l’argent : «Désormais, ce sont des combattants entraînés, très motivés et idéologiques, c’est-à-dire des militaires professionnels des pays de l’OTAN, qui entrent dans la bataille.»

Le discours évolue dangereusement

Nous ne sommes plus dans la formation, ni dans l’assistance technique. La France et les pays de l’OTAN, dont des ressortissants se battent sur le front ukrainien agissent-ils à titre individuel ? Cela va-t-il juridiquement impliquer l’OTAN, puisqu’elle en est membre et risque d’enclencher ainsi l’art. 5 ? Ou bien la France, veut-elle agir dans le cadre de l’accord bilatéral d’entraide militaire, pardon de « sécurité », conclu avec l’Ukraine dans un cadre juridique inapproprié, puisque sans ratification du Parlement ?

En tout cas, quel que soit le cadre de l’intervention militaire, la machine politique continue à s’emballer. Macron déclare, il y a quelques jours de cela, que si la Russie avance – or, la Russie avance – et si Kiev le demande, il faudra bien envisager l’envoi de forces militaires régulières sur le front ukrainien, nous rassurant en affirmant que Kiev ne le demande pas – encore. Or, à peine 48 heures plus tard, des voix en Ukraine l’envisagent : le député Gontcharenko a déclaré à LCI, que si l’Ukraine ne s’en sort pas avec ses propres forces – et elle ne s’en sort pas – elle demandera de l’aide à ses partenaires européens.

Sur la chaîne canadienne CBC, le premier ministre ukrainien Denys Chmygal a déclaré le 5 mai que son pays serait reconnaissant pour tout type d’aide, y compris des instructeurs sur le territoire ukrainien, mais que pour l’heure Kiev ne demandait que de l’équipement et des armes. Avant d’ajouter : « Si le moment vient, nous en serons absolument reconnaissants».

Le discours politico-médiatique américain commence lui aussi à revenir sur le principe établi d’un non-envoi des forces militaires américaines en Ukraine : Hakeem Jeffries, le leader des Démocrates à la Chambre des Représentants a ainsi affirmé le 6 mai dans une interview à CBS News : «Nous ne pouvons pas permettre la chute de l’Ukraine. Si cela se produit, il est fort probable que l’Amérique doive intervenir dans le conflit non seulement avec notre argent, mais aussi avec notre personnel militaire».

Poutine ordonne des exercices nucléaires en réponse aux déclarations occidentales

En réponse aux déclarations de Macron et à l’autorisation formelle donnée le 2 mai dernier par David Cameron, le ministre britannique des Affaires étrangères, de frapper l’intérieur des terres russes avec des armes britanniques, le président Poutine a ordonné la conduite d’exercices nucléaires, l’armée russe ayant précisé dans un communiqué : «Le but de l’exercice est de maintenir l’état de préparation du personnel et de l’équipement des unités pour l’utilisation au combat d’armes nucléaires non stratégiques afin de répondre et d’assurer l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’État».


Poutine ordonne des exercices nucléaires en réponse aux déclarations d’Emmanuel Macron et de David Cameron

Tout cela est-il mis en place pour faire peur à la Russie, constituant ainsi une opération psychologique ? Il y a de fortes chances que l’idée initiale soit en effet celle-ci, car l’Occident a la manie chronique de sous-estimer et de dénigrer la Russie. Mais l’engrenage est lancé et objectivement il va être difficile à arrêter pour des raisons cette fois-ci stratégiques : les pays de l’axe atlantiste ne peuvent pas se permettre une défaite en Ukraine et c’est bien le seul point sur lequel ils ne mentent pas.

Mais qui va aller se battre ? Qui vous dit que seuls des militaires professionnels seront suffisants ? Qui va produire les armes et les munitions ? Et surtout pour quelle patrie nos militaires doivent-ils se battre ici ? Pour la suprématie de l’ordre global ? Si la décision est prise d’envoyer petit à petit de plus en plus d’hommes, sans grande déclaration pour éviter la question de la déclaration de guerre à la Russie et mettre celle-ci dans une situation politique délicate en ce qui concerne la réponse à apporter, reste encore la motivation. Les Russes savent pourquoi ils se battent : pour leur terre, pour la sécurité de leurs femmes et enfants, pour la souveraineté de leur pays. Est-il possible de vaincre cela ? L’histoire a de nombreuses fois démontré le contraire.

Nos dirigeants va-t-en-guerre devraient s’en souvenir. Entrer dans une guerre classique contre une puissance comme la Russie, n’est ni un jeu vidéo ni une opération de com’ sur internet. Les conséquences sociales, économiques et donc politiques seront réelles et encore difficiles à évaluer. Il serait surprenant que cela puisse se mettre en place sans l’instauration d’un régime autoritaire, muselant la population en Europe. Et ces régimes, eux non plus ne durent pas. L’histoire, ici aussi, l’a montré. Seule une victoire éclair pourrait les sauver. Mais chacun sait qu’elle est impossible. Bref, l’Occident est dans une impasse, pour avoir dès le début commis une erreur stratégique : la Russie ne peut tomber que de l’intérieur, si elle est attaquée de l’extérieur, elle se renforce. Et actuellement, elle reprend le chemin de la souveraineté, elle renaît. Pendant que nos sociétés européennes étouffent dans l’atlantisme.




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