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Une seule puissance pouvait arrêter l’invasion israélienne de Rafah, mais elle a laissé passer sa chance

L’échec des pourparlers de cessez-le-feu et les morts civiles qui en résultent sont le fruit d’une diplomatie américaine faible et indécise, selon Robert Inlakesh.

Cet article a été initialement publié sur RT International par Robert Inlakesh, journaliste et réalisateur de documentaires résidant à Londres, au Royaume-Uni. Il a vécu et réalisé des reportages dans les territoires palestiniens et travaille actuellement pour Quds News. 

Depuis plusieurs mois, Israël menace d’une invasion à grande échelle de la ville de Rafah dans la bande de Gaza, tandis que le gouvernement américain met tardivement en garde contre cette action et appelle à un cessez-le-feu. Cependant, l’administration Biden a résolument fait volte-face à ce sujet et a refusé de prendre des mesures sérieuses pour faire pression sur Israël en vue de parvenir à un accord.

Le 6 mai, le Hamas a annoncé publiquement qu’il avait accepté une proposition de cessez-le-feu, ce qui a déclenché une vague de célébrations dans tout Gaza. Cependant, la joie a été de courte durée, car le gouvernement israélien a réitéré son refus d’accepter un accord et s’est plutôt engagé à lancer une opération terrestre dans la ville la plus méridionale de Gaza, malgré les objections du gouvernement américain.

«Le jour d’après est le jour après le Hamas», selon Netanyahou

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a même déclaré que «le jour d’après est le jour après le Hamas. Tout le Hamas», ce qui signifie qu’il n’acceptera aucun accord de cessez-le-feu.


Israël n’a atteint «aucun» de ses objectifs depuis le 7 octobre, affirme Nasrallah

Bien que l’armée israélienne ait pris le point de passage de Rafah entre Gaza et l’Égypte, en plus d’avoir tué des dizaines de civils après avoir bombardé 100 cibles à travers Rafah, Israël a annoncé qu’une délégation avait été envoyée au Caire pour «épuiser» toutes les possibilités de parvenir à un cessez-le-feu. Comme il s’est avéré par la suite, la proposition de cessez-le-feu acceptée par le Hamas était presque identique à celle rédigée par la CIA et les services de renseignement israéliens, et a été saluée par le secrétaire d’État américain Antony Blinken comme une «proposition solide».

Parallèlement, dans des villes comme Haïfa et Tel Aviv, des manifestants israéliens, avec à leur tête les familles des captifs détenus à Gaza, sont descendus dans la rue en exigeant que leur gouvernement accepte les conditions du cessez-le-feu, qui incluaient la libération de tous les prisonniers israéliens. Affrontant la police et qualifiant le gouvernement Netanyahou de menteurs, les manifestants ont menacé de brûler le pays si leurs prisonniers n’étaient pas libérés.

Dès le lendemain, les États-Unis ont essayé de mener en bateau les journalistes en affirmant que le monde entier avait tort et que le Hamas n’avait accepté aucune proposition de cessez-le-feu. Peu de temps auparavant, le président américain Joe Biden avait donné une interview à CNN et déclaré qu’il ne fournirait pas d’armes offensives à Israël pour une «invasion majeure» de Rafah. Néanmoins, ce qu’il avait refusé de faire, était de déterminer ce que signifie une invasion majeure et où tracer la ligne rouge.

Cette approche peu claire survient après que l’armée israélienne a violé les termes de l’accord de Camp David de 1979, qui normalisait les relations entre l’Égypte et Israël, en envahissant ce qui est connu sous le nom de corridor de Philadelphie dans le sud de Gaza. L’armée israélienne a non seulement envoyé ses brigades Guivati, qui ont publié des vidéos dans lesquelles elles écrasaient avec insouciance le passage frontalier pour s’amuser, mais elle a également bouclé la principale route d’acheminement d’aide à la population civile de Gaza qui est au bord de la famine.

Une approche américaine faible et déconcertante

Le gouvernement israélien menace d’envahir Rafah depuis le début de l’année, Benjamin Netanyahou affirmant à plusieurs reprises, depuis début février, qu’Israël « perdra la guerre » s’il n’y a pas d’invasion. Selon les États-Unis, cette mesure signifierait non seulement une défaite militaire, mais plus important encore, elle menacerait la vie de plus d’un million de civils, dont la plupart n’ont nulle part où aller.


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Début mars, Biden a accordé une interview déconcertante à la chaîne de télévision  MSNBC où il s’est contredit à plusieurs reprises lorsqu’il a abordé la question d’une invasion israélienne de Rafah.

Tout en affirmant que l’entrée à Rafah était une « ligne rouge », il a ensuite déclaré : « il n’y a pas de ligne rouge [au-delà de laquelle] je vais arrêter les livraisons d’armes… mais il y a des lignes rouges que, s’il les franchit,… », avant de sembler perdre le cours de ses pensées.

Les changements soudains d’attitude des responsables politiques à Washington ne se limitent pas à l’interview de Biden à MSNBC. Début février, les États-Unis ont déclaré qu’ils s’opposeraient à une invasion de Rafah, la qualifiant de « catastrophe », ce à quoi le Premier ministre israélien a répondu qu’il préparait ses troupes à l’invasion et intensifiait les attaques aériennes sur la région. Cependant, à la mi-février, le gouvernement américain a préparé un programme d’aide militaire de 14 milliards de dollars pour Israël et a déclaré qu’il ne soutiendrait qu’une invasion limitée de Rafah.

Des informations ont ensuite été publiées citant des responsables américains anonymes selon lesquels Biden était de plus en plus mécontent de Netanyahou, et qu’il l’avait même injurié. Puis, en mars, les Américains ont tenté de pousser vers un « cessez-le-feu de six semaines », comme l’a déclaré publiquement le président américain, exprimant l’espoir de le voir entrer en vigueur avant le mois sacré pour les musulmans du Ramadan. Même à l’heure actuelle, l’administration Biden parle toujours d’un prétendu « cessez-le-feu de six semaines », bien que sa propre proposition au Hamas soit un accord détaillé censé mettre fin à la guerre ou au moins durer plusieurs mois.

Les États-Unis ont approuvé sans mot dire plus de 100 livraisons d’armes pour soutenir l’effort de guerre contre Gaza, tout en mettant à profit des failles pour contourner les nouvelles lois de Washington sur les ventes d’armes. Puis, quinze jours avant la fin du Ramadan, les États-Unis se sont finalement abstenus de voter au Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU), qui a appelé Israël à implémenter un cessez-le-feu jusqu’à la fin du mois sacré pour les musulmans. En réponse, Israël a immédiatement annulé la visite prévue à l’avance d’une délégation américaine de haut niveau à Tel Aviv.

Cependant, dès le lendemain matin, après l’adoption de la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, le Département d’État américain a annoncé que la résolution n’était pas contraignante. Cela signifiait non seulement que Washington niait la réalité du consensus international selon lequel toutes les décisions du CSNU sont intrinsèquement contraignantes, mais aussi que cela permettait à Israël de violer la résolution. Ainsi, même si Washington a techniquement pris une mesure pour exercer temporairement une pression sur son allié, dès le lendemain, il a opposé un veto informel à la résolution, signalant au gouvernement israélien qu’il continuait de bénéficier du support américain quoi qu’il arrive.

Le gouvernement américain se tourne en fait les pouces

Tout en admettant qu’une invasion de Rafah entraînera inévitablement le massacre de civils palestiniens, bloquera les fournitures d’aide humanitaire en période de famine imminente et qu’elle ne conduira pas à l’effondrement du Hamas ni au retour des prisonniers israéliens, le gouvernement américain se tourne en fait les pouces.

Les États-Unis ont eu près de sept mois pour élaborer une politique cohérente en ce qui concerne leurs objectifs et leurs lignes rouges dans la guerre entre Gaza et Israël, mais ils ne peuvent pas définir clairement quelles sont leurs lignes rouges, et quel cessez-le-feu ils souhaitent, sans se contredire constamment. Les grands médias occidentaux soulignent actuellement que l’administration Biden a retardé une seule livraison d’armes à Israël, comme si cela constituait une pression. Mais les États-Unis n’ont rien fait pour forcer Israël à autoriser l’acheminement de l’aide humanitaire par le point de passage de Rafah, ce qu’ils lui ont immédiatement demandé de faire.

À ce stade, le gouvernement américain n’aide pas à atteindre les objectifs militaires publiquement désignés par Israël, il n’aide pas les familles des prisonniers israéliens et il n’a pas réussi à parvenir à un cessez-le-feu ni à un acheminement suffisant d’aide humanitaire à Gaza. Au lieu de cela, Joe Biden semble ne faire qu’une chose : aider Benjamin Netanyahou à faire traîner en longueur le conflit, sans avoir ni objectif final, ni stratégie d’en sortir, ni solution politique, ni même la vision la plus élémentaire de la situation d’après-guerre à l’horizon. Au contraire, le gouvernement américain s’est avéré incapable de jouer un rôle constructif au profit de l’une de deux parties. En fait, cela nuit à la situation. S’il y avait des gens conscients à Washington, ils exhorteraient leurs collègues à se retirer et à confier la résolution du problème à des pays ayant une politique étrangère cohérente et des diplomates intelligents.

 




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