Chroniques

Washington anéantit les principes issus de 1945 pour imposer «son» monde global contre Moscou

Nous assistons depuis quelques mois à la remise en cause des acquis de la Seconde Guerre mondiale. Fin de la neutralité des pays de l’Axe et remilitarisation, le tout sur fond de «normalisation» du néo-nazisme : c’est la fin d’un monde, qui vient de s’échouer sur les rives du Dniepr. Par Karine Bechet-Golovko.


Conférence en Suisse sur l’Ukraine : la diplomatie russe dénonce un «projet des démocrates américains»

Cela fait longtemps que la Russie tire la sonnette d’alarme sur la montée du néonazisme en Europe et au plus profond des mécanismes de pouvoir dans l’Ukraine post-Maïdan. Cette Ukraine «démocratique», «occidentale», «atlantiste» et finalement mise sous protectorat depuis 2014 est allée bien plus loin que les Marches aux flambeaux des anciens SS dans les pays baltes : elle reconnaît comme héros national les figures de la collaboration nazie ; le cri utilisé lors de l’occupation nazie «Gloire à l’Ukraine ! Gloire aux héros !» est normé au sein des institutions ukrainiennes ; ceux qui ont combattu le nazisme, à savoir les communistes, voient leur symbolique pénalisée ; des bataillons punitifs, comme celui d’Azov, sont utilisés, et contre les populations réticentes, et contre les militaires récalcitrants, pour les conduire sur le chemin de la soumission par la terreur ; et pour finir cette liste, qui n’est qu’une illustration, des lois de ségrégation anti-russe, ethnique et culturelle, sont adoptées.

Toute dégradation d’un corps contamine son environnement

Toute dégradation d’un corps, qu’il s’agisse d’une peste morale ou physique, ne peut s’arrêter d’elle-même, elle contamine son environnement. Ainsi, depuis des années, le vote à l’Assemblée générale de l’ONU sur la condamnation du nazisme partage la communauté internationale, avec les États-Unis et leurs satellites occidentaux d’un côté (les pays européens, le Canada, l’Ukraine), qui refusent de condamner le nazisme, et la Russie avec quasiment le reste du monde, qui défendent l’histoire et la mémoire des victimes, rappelant qu’à l’heure d’une soi-disant post-vérité particulièrement confortable, le Bien et le Mal n’ont pas été dépassés. Ainsi en décembre dernier, l’Axe atlantiste s’est trouvé isolé sur cette question avec, rappelons-le, 49 voix contre la résolution, quand 118 l’ont votée et 14 pays, dont la Suisse, se sont abstenus. Cette dérive s’accompagne en toute logique de la noyade pro-ukrainienne de l’Occident, qui se voit en train d’applaudir un ancien SS au Parlement canadien pour satisfaire Zelensky, d’interdir les sportifs russes à la cérémonie d’ouverture des JO de Paris ou dont les dirigeants crient le slogan nazi à la gloire des héros ukrainiens lorsqu’ils sont de passage à la Rada.

Faire tomber la Russie et achever le travail commencé en 1991

Mais à la différence des années 30, cette résurgence néonazie est un instrument, non une finalité. Il ne s’agit pas d’instaurer dans le monde l’idéologie nazie, comprise aujourd’hui comme une forme radicale de ségrégation ethnique et culturelle, accompagnée d’une violence politique et physique extrême à l’intérieur des sociétés. Non, la résurgence du néonazisme est utilisée pour affaiblir les sociétés de l’intérieur et donc mieux les contrôler de l’extérieur. Car le but aujourd’hui est ailleurs : il faut faire tomber la Russie, achever le travail commencé en 1991, qui n’a pas abouti, et enfin proclamer, s’il le faut dans le sang et sur les cendres, l’avènement du monde global atantico-centré.


Front ukrainien : la France n’est pas en guerre, la France est occupée

Pour cela, nous voyons la remise en cause, logique dans ce contexte, des résultats de la Seconde Guerre mondiale. Le communisme est présenté comme l’égal du nazisme, qu’il combattait, ce qui justifie le pas suivant : les pays de l’Axe et les collaborateurs ne sont plus condamnables, quand la Russie est l’ennemi sacré. La page est tournée.

L’OTAN s’est élargie ces derniers mois à la Finlande et à la Suède, qui en terminent ainsi officiellement avec leur neutralité, imposée suite à leur collaboration nazie lors de la Seconde Guerre mondiale en contrepartie d’une absence de sanctions politiques et économiques réelles. De ce fait, la Finlande a signé en fin d’année dernière un accord militaire avec les États-Unis, qui met en fait l’ensemble de son territoire à la disposition de l’armée américaine, qui peut s’y déplacer et s’installer sans restriction et hors de la juridiction nationale. Et le processus s’emballe, dans ce pays, qui avait depuis la fin de la guerre des relations constructives avec la Russie. Dans la foulée, elle ferme ses frontières avec la Russie et l’ouverture d’un QG de l’OTAN est justement annoncée. La frontière orientale du monde global d’aujourd’hui semble être (temporairement) établie.

L’Allemagne le proclame, elle entre dans une nouvelle phase historique, qui revient vers l’industrialisation et l’économie de guerre. Pour la première fois même depuis la fin de la guerre, elle envoie des armes à l’étranger, sur le front ukrainien, et ses militaires entrent dans un autre pays d’Europe, la Lituanie, qui se prépare à accueillir une grande base militaire allemande de près de 5 000 hommes.

La fin de l’architecture politique et morale issue de la Deuxième Guerre mondiale

Dernier exemple significatif, le Japon, cet autre pays de l’Axe. Comme vient de le publier le New York Times à l’occasion de la visite du Premier ministre japonais aux États-Unis : «Au cours d’une cérémonie en grande pompe honorant la visite du Premier ministre japonais, le président a déclaré que les États-Unis et le Japon créeraient une architecture de défense élargie avec l’Australie, participeraient à des exercices militaires à trois avec la Grande-Bretagne et exploreraient les moyens permettant au Japon de rejoindre un accord dirigé par les États-Unis.»

Nous sommes bien dans un processus de remilitarisation du Japon, lui instrumentalisé dans la zone asiatique du monde global, alors que sa démilitarisation est prévue dans la Constitution du pays, suite à la défaite lors de la Seconde Guerre mondiale. Cela s’inscrit dans la rupture actée au Japon en décembre 2022, par l’adoption d’une nouvelle doctrine militaire impliquant le doublement de son budget annuel de la défense en cinq ans, l’acquisition de missiles longue portée et la fin du principe d’autodéfense, puisque les «contre-attaques» capables d’atteindre des sites de lancement en territoire ennemi sont reconnues comme légitimes par la nouvelle doctrine. 

L’ensemble de ces processus montre la fin de l’architecture, et politique et morale, issue de ce deuxième conflit mondial. Face au nouveau besoin d’hégémonie des élites globalistes, les barrières sautent et l’histoire est réécrite pour justifier sa remise en cause. En ce sens, la guerre, qui se mène sur le front ukrainien, a une dimension existentielle et semble devoir nous conduire vers l’accouchement d’un nouveau monde, en tout cas d’une nouvelle période de notre histoire.

Comme l’écrivait Hermann Hesse dans Le jeu des perles de verre : «L’histoire du monde, tout bien compté, ne recherchait et ne favorisait aucunement ce qui était souhaitable, raisonnable et Beau, mais le tolérait tout au plus de loin en loin comme une exception.»

Pourtant, il ne dépend que de nous, de nous engager sur le chemin du raisonnable et du Beau.

 

 




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