L'ambassadeur russe à l'UE Kirill Logvinov a critiqué l'instrumentalisation de l'Ukraine par l'Union européenne pour favoriser son propre agenda, alors que cette dernière ouvrait ce 5 octobre à Grenade un sommet consacré à l'actualité internationale ainsi qu'à une éventuelle adhésion de Kiev.
Kirill Logvinov, représentant permanent de la Russie auprès de l’Union européenne, a affirmé ce 5 octobre que «le thème de l’Ukraine allait semble-t-il être utilisé par Bruxelles pour engager une “perestroïka” de l’Union européenne». Soit une tentative désespérée de reconstruction.
Le président ukrainien Vladimir Zelensky se trouve en effet à Grenade, dans le sud de l’Espagne, pour le sommet de la Communauté politique européenne, une instance informelle créée après février 2022 pour renforcer la coopération avec les voisins de l’UE (l’Ukraine, mais aussi le Royaume-Uni et la Turquie). Près de 50 dirigeants européens y sont présents. Au menu des discussions figure l’éventuelle adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne.
Volodymyr Zelensky espère de son côté des accords pour renforcer sa défense aérienne à l’approche de l’hiver. En effet, l’hiver dernier, la Russie avait attaqué d’importantes infrastructures en Ukraine.
Une UE en pleine «crise existentielle», selon Logvinov
Mettant en parallèle ce sommet avec la visite à Kiev des ministres européens des Affaires étrangères le 2 octobre, Kirill Logvinov a souligné que, lors des deux rencontres, «la même logique était à l’œuvre.» Une logique qui «ne visait pas tant l’intérêt des Ukrainiens que les pays du bloc, dans le but de maintenir la discipline de l’UE pour apporter une aide globale à l’Ukraine».
Toujours selon le diplomate, «les tendances observées en UE confirment que l’Union traverse actuellement une crise existentielle». Et celui-ci de soulever un paradoxe : «Les buts initiaux, l’augmentation du niveau de vie et de la compétitivité du bloc d’intégration sont en contradiction évidente avec la volonté de ses dirigeants de transformer l’Union européenne en une sorte d'”acteur géopolitique” à forte composante politico-militaire.»
Une crise soulignée également par Nikola Mirkovic, président de l’association Est-Ouest, auteur de l’essai Le chaos ukrainien publié en 2023 chez Publishroom Factory, qui a rappelé le 4 octobre devant les caméras de RT en français que l’UE était «la zone connaissant la plus faible croissance au monde».
Interview de Nikola Mirkovic pendant le journal de RT.
Les gouvernants européens font malgré tout miroiter à l’Ukraine une adhésion à l’UE
Mais qu’à cela ne tienne : le président du Conseil européen Charles Michel annonçait dans sa lettre d’invitation du 2 octobre qu’«au-delà de l’agenda stratégique, une part inhérente des discussions [concernerait] le futur élargissement de l’Union européenne ainsi que ses conséquences». Une phrase qui faisait écho au discours de l’état de l’Union prononcé par Ursula von der Leyen le 13 septembre dernier, où elle affirmait que «le futur de l’Ukraine [était] dans notre Union». Volodymyr Zelensky lui-même relayait ce 5 octobre à Grenade cette volonté d’intégration, posant que «nous sommes tous l’Europe» et que ce n’était pas «une question de géographie, mais d’histoire, de morale et de sécurité que nous partageons».
Addressing leaders in Granada, I stated that each of us represents Europe. We may have our own views and, at times, different opinions on European issues. But still, we are all Europe. And it’s not just about geography. It’s about history, morality, and security that we share.
— Volodymyr Zelenskyy / Володимир Зеленський (@ZelenskyyUa) October 5, 2023
Pour Nikola Mirkovic, ce scénario relève d’une véritable «fuite en avant» de la part de gouvernants européens «complètement déconnectés de la réalité de ce qui se passe sur le terrain». «L’Ukraine ne [pourrait] pas entrer dans l’UE, même en 2030», estime-t-il du fait des critères d’adhésion, dits «de Copenhague», définis en 1993. Ceux-ci comprennent la présence d’institutions stables garantissant la démocratie, l’état de droit et le respect des minorités, ainsi qu’une économie de marché viable et la capacité à appliquer les normes juridiques européennes.
«Nous n’avons jamais été contre», a répété le 5 octobre Vladimir Poutine lors de la session plénière 2023 du club de discussion Valdai. Le dirigeant russe avait déjà indiqué que l’UE n’étant pas une alliance militaire comme l’OTAN, cela ne poserait aucun problème à la Russie. «Ce serait généreux de leur part d’accueillir une telle économie», a toutefois ajouté Poutine.
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